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Pour une société vraiment inclusiv.e

En dérapage contrôlé, l’auteur nous propose, sans fausse pudeur, un programme clé en main qu’un.e authentique candidat.e progressiste pourrait faire sien...


Pour une société vraiment inclusiv.e
La candidate écoféministe à la primaire écologiste Sandrine Rousseau, Paris, 20 septembre 2021. © ISA HARSIN/SIPA

Le néoprogressisme woke se porte bien mais pourrait aller encore mieux. A l’approche de l’élection présidentielle, voici quelques suggestions pour les candidats qui manqueraient de bonnes idées. C’est cadeau.


On a tous été un peu meurtris par la façon dont les médias réactionnaires n’ont pipé mot du retrait de la vie publique du très grand ministre de l’Éducation que fut, pendant 147 jours, Benoît Hamon. Il n’aura pas l’occasion de marquer la campagne présidentielle à venir de l’empreinte qui avait été la sienne en 2017 (6,36 %, 35 fois plus que Jacques Cheminade, n’en déplaise à ses détracteurs). Le camp progressiste doit désormais tout miser sur la visionnaire Sandrine Rousseau, bien que la désignation de la candidate naturelle d’EELV soit entachée par la présence de trois mâles blancs autorisés à concourir, ce qui dénote une conception curieuse, sinon archaïque, de la politique.

Un grand ministère de la rééducation nationale

Quoi qu’il en soit, comme dirait Martin, « I have a dream » et il m’a semblé urgent de le partager. Puisse Sandrine, dont on sent parfois, hélas !, la tentation du recentrage, s’emparer de quelques-unes des propositions que je soumets avec humilité au camp du Grand Bien. Finissons-en avec le progressisme mou du genou, équarrissons une bonne fois pour toutes la blanchitude genrée. En route, dans la joie, vers le total-progressisme (Ein, zwei).

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Priorité absolue à l’éducation de nos jeunes têtes (ceux qui ont pensé « blondes » reliront tout Bourdieu, Derrida et Deleuze pour expier). Dans le cadre de la création d’un grand ministère de la Rééducation nationale, il conviendra de lutter prioritairement contre la tentation normative en matière de sexualité. L’interdiction pure et simple de la pornographie hétérosexuelle permettra l’initiation (en distanciel) de toutes les générations aux vrai.e.s sexualités. En ce qui concerne les programmes, aux cours de physique-chimie – blancs comme leur blouse, trop rationnels et intimement liés aux ravages de la civilisation thermo-industrielle – on substituera utilement une formation à la sorcellerie, en privilégiant l’approche de la culture vaudou plutôt que la pratique polémique du druidisme, trop identitaire. Au passage, on supprimera de toutes les médiathèques l’ensemble des œuvres de Hergé ou Uderzo – pensez à l’autodafé écoresponsable, faites griller des chipos véganes. Ne resteront à disposition des bambins que les albums de Black Panther ou de Bibi Fricotin et Razibus (on caviardera les apparitions de Bibi, évidemment).

La diffusion de films antérieurs à 1981 proscrite

Les médias, même ceux prétendument progressistes comme France Inter (qui n’hésite pourtant pas à inviter à 23 heures des députés du Modem), devront également être définitivement ramenés à la raison. Pour la presse écrite, je suggère une incitation forte : l’instauration d’une TVA à 100 % pour tous ceux qui maintiendraient l’usage du vocable « terroriste » en dehors des attaques de suprémacistes blancs. Dans un tout autre contexte judiciaire, cette fiscalité humaniste devrait les conduire à adopter en lieu et place l’acronyme PSLC (Personne stigmatisée légitimement courroucée). Le service public de l’audiovisuel s’attachera, quant à lui, à proscrire la diffusion de films français antérieurs à 1981, en raison de l’image trompeuse qu’ils donnent de la population du pays. Dans une terre d’immigration depuis Pépin le Bref, qui peut croire à la Canebière décrite par ce Jean-Pierre Pagnol ? Dans le même esprit, toute campagne publicitaire inclura un quota de citoyens issus de la diversité – on me signale que c’est déjà le cas et je m’en réjouis, passons donc directement au progrès suivant : interdiction du type caucasien dans tous les spots, sauf pour la promotion des produits ou services funéraires. De façon générale, la liberté d’expression progressiste sera bien sûr préservée – restons à mille lieues de ceux qui nous caricaturent en censeurs. En revanche, les opinions antiprogressistes – délictueuses par nature – demeureront impitoyablement pourchassées et la liste de celles-ci quotidiennement mise à jour et étendue.

Pénalisation des micro-agressions

La Justice, trop orientée vers le harcèlement des quartiers populaires, aura l’occasion de se repentir avec l’adoption de quelques ajustements bienvenus. Dans un nombre limité de domaines, nous proclamerons la fin de l’hypocrite présomption d’innocence qui n’a pas sa place dans une société inclusive. Ainsi, en matière de violence sexiste, grossophobe, homophobe et bien sûr raciste, l’incarcération immédiate des inculpés et l’inversion de la charge de la preuve devraient enfin rendre nos rues plus sûres. Comme on peut le constater, nous ne sommes pas les complices de l’insécurité qu’on décrit. Argument supplémentaire, la pénalisation des micro-agressions du type « Bonjour M’sieurs, Dames » ainsi que la création d’une amende de cinquième catégorie pour les contrevenants allégeront les lounges bars de la présence d’une frange moisie de l’Hexagone. Dans tous les départements qui en feront la demande seront mis en place des tribunaux coutumiers, véritables reflets des cultures du monde – la nôtre. Si l’Afghanistan a su mettre fin à l’universalisme, il serait irresponsable de priver la Seine-Saint-Denis des bienfaits de cette avancée anti-impérialiste. Dans le reste du système judiciaire, l’instauration d’une discrimination positive et diversitaire conduira à exiger contre le témoignage d’une personne à vagin deux dépositions d’individus à testicules. Le même ratio présidera à l’audition d’un témoin racisé. De cette façon, il ne faudra pas moins de quatre mâles hétérosexuels blancs pour contester la vérité d’une personne noire à menstrues. Bon courage.

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Écriture inclusive partout

Le bannissement de la proximité lexicale entre les phonèmes « grand » et « remplacement » – dont l’usage pourrait être puni d’une peine d’emprisonnement à vie réelle – s’accompagnera d’une politique familiale novatrice, conjuguée à une approche utilitariste du tourisme. Tout voyageur Français désireux de séjourner en Afrique aura ainsi l’obligation préalable de se faire stériliser, puis de ramener au moins un enfant de la « Motherland », afin de hâter l’HS (l’Heureuse Substitution).

Enfin, moins centrale que les dispositions précédentes, la suppression de tous les noms de rue des hommes blancs, sauf bien sûr de ceux honorablement connus de la communauté homosexuelle, offrira une intersectionnalité spatiale concrète à la topographie de nos villes et quartiers. De manière corrélative, la signalisation routière intégrera l’écriture inclusive. À l’approche d’un passage à niveau ou du bois de Boulogne, on lira par exemple : « Attention un.e train.ée peut en cacher un.e autre ».

J’entends déjà la fachosphère ricaner – mon honneur ! – alors que, comme on peut le constater, une politique volontariste de progrès sociétal peut très bien coexister avec des notions que Causeur et consorts prétendent révérer : un minimum de bon sens et d’honnêteté intellectuelle.

Octobre 2021 – Causeur #94

Article extrait du Magazine Causeur




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Diplômé d'HEC, il a travaillé de nombreuses années dans la presse ("Le Figaro", "Le Nouvel Obs", "Libération", "Le Point", etc.). Affectionnant les anarchistes de droite tels Jean Yanne ou Pierre Desproges, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes de Michel Audiard. On lui doit deux livres de référence sur le sujet : <em>Le Dico flingueur des Tontons</em> et <em>L'Encyclopédie d'Audiard</em> (Hugo & Cie).

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