Quand j’étais au lycée, le directeur me convoqua un jour dans son bureau pour une bêtise que je n’avais pas faite. À ses questions sur la farce qui était plutôt comique mais que j’ai oubliée (désolé), je répondis que ce n’était pas moi et rajoutai : « Mais ça aurait pu l’être. » Quelques semaines plus tard, sans faits et sans preuves, j’étais viré. Motif : attitude négative. Dans sa grande sagesse, le responsable de l’établissement s’était débarrassé d’un insolent qui défiait l’autorité depuis un peu trop longtemps. Etait-ce juste ou pas ? Je l’ignore, mais à sa place aujourd’hui, je n’agirais pas autrement.
Dans un film dont j’ai oublié le titre, Sami Naceri est cerné par la police. Au lieu de mettre les mains en l’air comme on le lui ordonne, il fait le mariole, insulte, provoque et fait mine de dégainer en pointant sa main vide de toute arme sur une femme flic qui, se sentant menacée, le descend. Quand elle comprend que le braillard était désarmé, elle est bouleversée et gagnée par ce sentiment étrange et répandu surtout chez les innocents, la culpabilité. Franchement, je ne vois pas ce qu’il y a de bouleversant à flinguer Sami Naceri que je préfère voir torturé dans un roman de Dantec[1. Maurice G. Dantec, Artefact, Albin Michel, 2007, « Le monde de ce Prince ».] plutôt que pérorant à la télévision quand il devrait être en prison.
Mais oublions l’acteur et revenons au personnage du film. Est-il juste qu’il meure ? Je n’ai pas la réponse mais la leçon à tirer de cette histoire est que dans le doute, la police se défend. Si le message passe, le délinquant ne sera pas mort pour rien.
De même, que Saddam Hussein ait ou non détenu des armes de destruction massive n’a que peu d’importance. Qu’il l’ait fait croire au monde en baladant les inspecteurs de l’Onu pendant dix ans aura suffi à lui attirer les foudres de cet Occident qui ne craint pas ses ennemis. Attitude négative. Personne n’est à l’abri d’une guerre préventive. À bon entendeur, salut. Est-ce juste ? Le gendarme du monde marche parfois sur la justice mais je gage que l’avenir, à commencer par celui de l’Irak, donnera raison au regretté président Bush, n’en déplaise à ceux dont la pensée politique semble inspirée par les Guignols de l’Info.
Est-il juste que Julien Coupat soit en prison et Ivan Colonna condamné ? Que leurs sympathisants posent la question me paraît légitime, que les intéressés le fassent à l’ombre me semble indispensable.
Si vous écrivez des âneries sur la nécessité d’attaquer la société technologique en sabotant des trains, évitez de traîner près des rails les nuits de sabotage car vous pourriez attendre quelques mois derrière les barreaux que l’on établisse votre innocence ou votre culpabilité.
Si vous appartenez à un groupe d’où partent des coups de feu qui blessent des policiers, il se pourrait qu’on vous renvoie la balle et que vous en mouriez. Même si vous n’avez pas tiré vous même, même si vous n’avez pas d’armes. Est-ce juste ? Non, je vous l’accorde, mais je doute qu’à part chez les islamo-gauchistes on vous pleure très longtemps.
Si vous jouez le bandit corse avec tout le folklore, meurtre, embrouille, mensonge, aveux, désaveux, maquis et omerta, si, quand on vous aura gaulé comme une noix, vous prenez la justice de haut, vous courrez le risque d’être condamné sans preuves matérielles parce que l’intime conviction d’un jury suffit. Vous pourrez hurler au complot et en appeler à l’Europe mais depuis les geôles de la justice « coloniale ».
Avant de faire régner la justice, l’Etat se défend. À travers vous, l’Etat dissuade et je m’en réjouis. Tant pis pour ceux qui font semblant de tirer sur les flics, pour les dictateurs qui bluffent, les apprentis-révolutionnaires et les bergers bas du front. C’est une loi qu’on devrait enseigner aux écervelés comme l’eau qui mouille ou le feu qui brûle. L’Etat se défend et tant mieux parce que l’Etat c’est moi. Légitime défense. Quand on attaque la police ou qu’on bousille le chemin de fer, quand on menace ma civilisation ou qu’on assassine un Préfet, c’est moi qu’on vise parce que l’Etat, c’est moi.
Alors s’il arrive qu’en mon nom, on prenne quelques libertés avec la loi, les droits de la défense ou les droits de l’homme, je pense à Dirty Harry et je souris. Comme Mme Erignac depuis le verdict, je souris. Et quand une condamnation rend leur sourire aux veuves et aux orphelins, j’ai confiance dans la justice de mon pays. Vous trouvez ça injuste ?
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