Autant vous le dire de suite, les sifflets dont a été l’objet Frédéric Mitterrand ce samedi à la Fête de l’Huma m’ont profondément attristé.
Vous me connaissez, loin de moi l’idée qu’une personnalité officielle soit, es qualités, intouchable. Le lazzi est une forme de communication politique ancestrale, il appartient à notre patrimoine politique, il nous renvoie, bienheureusement, au temps d’avant les dircom. J’aime qu’on dise leur fait à tous, y compris aux plus puissants, et en retour, je ne suis pas de ceux qui s’étouffent quand le président de la République, offensé, réplique sur le même ton, même si en vrai, j’aurai attendu, dans un monde idéal, une riposte plus empreinte de second degré que de langage de cour de récré.
Pour aller au bout, je ne suis pas forcément bégueule quand l’encolère joint le geste à la parole, saccage une préfecture, séquestre un médiateur, ou envoie un œuf pourri sur le minois d’un ministre de l’Agriculture. On est dans le champ naturel de la démocratie. On y est borderline, mais on y est. On rappellera au plus distraits que nos institutions républicaines en marbre froid sont filles de l’Emeute. Des émeutes où ils n’y avaient pas que des horions ou des boulons qui volaient, mais aussi des balles, voire des têtes.
Mais ce qui s’est passé à la Courneuve, n’était pas borderline mais hors limites, quoiqu’il n’y ait pas eu d’agression autre que verbale : « Social-traître ! », « Vendu ! » et autres indigences chansonnières du style « Casse-toi pauvre con ! ». Ces injures étaient intolérables pour une raison simple, mais nodale : Frédéric Mitterrand était invité par le PCF à la Fête de l’Huma.
Que des militants jugent qu’il est inopportun d’accueillir dans le Saint des Saints un ministre sarkozyste en exercice, fût-il bonasse et cultivé, c’est leur droit le plus absolu – après tout leur direction ne leur répète-t-elle pas tous les jours que l’Autre est le mal incarné – mais le cas échéant, c’est leurs propres chefaillons qu’ils eussent dû engueuler pour l’avoir convié. Ils s’en sont bien gardés, et c’est leur problème à eux s’ils respectent maladivement des dirigeants qui les ont menés avec tant de constance à la cata. M’est avis qu’un de ces jours, le PC risque de crever de n’avoir pas su tuer le père, mais c’est une autre histoire…
En attendant, manquer de respect à un invité est impardonnable, c’est une violation des codes humains. Attention, je ne parle pas là de loi républicaine ou de morale prolétarienne, mais de quelque chose qui est bien au-dessus de tout cela et que nous sommes donc supposés tous partager, du guerrier papou au syndicaliste breton et qui, normalement, devrait fédérer, c’est le cas de le dire, l’Humanité.
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