Dans un monde de plus en plus inquiétant, une jeunesse qui n’a pas encore l’âge de voter a pourtant pris la mesure du désastre en cours.
Il est évident que si on regarde autour de nous, le monde fait peur. On apprend que la sècheresse sévit déjà alors qu’on est début mai, on sort (il faut espérer) d’une pandémie pour tomber dans une guerre où rôde le spectre de l’apocalypse nucléaire, on voit déjà arriver inflations et pénuries sans compter les tentations autoritaires qui se font jour dans toutes les démocraties ou presque… Bref, on se croirait au début d’un film catastrophe.
Inaction climatique
On pourrait croire que les plus jeunes n’en sont pas conscients mais on se tromperait. Il faut se souvenir, par exemple que ce sont en grande partie des adolescents qui ont exprimé leur colère devant l’inaction climatique avec l’icône Greta Thunberg. Il est vrai que selon qu’on ait encore dix, vingt ou trente ans à passer sur cette planète, on n’envisage pas l’avenir de la même manière. Je n’ai jamais vu de climatosceptique jeune. La semaine dernière, je me suis retrouvé lors une rencontre scolaire dans la banlieue lyonnaise autour d’un de mes romans jeunesse, Lou, après tout, qui raconte un effondrement possible du monde vers 2050 à travers le regard de plusieurs adolescents. A un moment, lors de la discussion, un garçon intervient.
Appelons-le Timothée : « Moi, j’ai demandé à ma mère de m’apprendre à coudre et à mon grand-père de jardiner. » Quelques rires dans la classe mais Timothée ne se démonte pas et je l’invite à continuer : « Bah oui, quand tout va s’effondrer, j’aimerais bien avoir des compétences utiles. » Deux choses m’ont frappé : Timothée avait dit « quand » et non pas « si » en parlant de l’effondrement et ensuite, le ton sur lequel il faisait ce constat. C’était un ton déterminé plus que désespéré comme s’il envisageait, ce qu’il expliqua d’ailleurs par le suite, de reconstruire quelque chose après, une communauté « où il n’y aurait plus de chef et où on déciderait tous ensemble de ce qui était le mieux pour tout le monde. »
Je ne lui ai pas dit qu’il venait de réinventer le communisme, qu’il définissait finalement comme celui, originel, de Marx, mais j’ai lui ai dit que sa société utopique serait parfaite à mon avis.
Mais avait-on besoin vraiment d’en passer par une catastrophe planétaire qui tuerait une bonne partie de l’humanité ?
Le syndrome Bartleby
Timothée a eu cette réplique digne du Bartleby de Melville : « Je ne préfèrerais pas » Sous entendu, bien sûr, je suis d’accord avec vous mais vous voyez une autre issue, vous ?
Là où je veux en venir, c’est que pour éviter cette catastrophe déjà intégrée comme inévitable par Timothée et pas mal d’ados, je ne vois guère que la gauche radicale (celle que les médias macronistes s’entêtent à appeler « l’extrême gauche » pour faire peur) puisque seule la gauche comprend que l’écologie ne peut se faire que dans une rupture avec le capitalisme. Ça tombe bien, il y a une petite chance de la faire arriver au pouvoir en juin. Et même si nous, communistes, tout ne nous enchante pas dans le Nupes (décidément, cet acronyme n’est pas beau du tout), on ne peut pas se permettre de faire la fine bouche pour des susceptibilités locales ou des allergies à certains candidats choisis.
En douceur
Nous le devons à Timothée, et à tous les autres, pour qu’ils n’envisagent plus le futur comme un cauchemar déjà écrit mais comme un passage, en douceur, vers une utopie concrète.