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Pourquoi je ne suis plus opposé au mariage gay


Pourquoi je ne suis plus opposé au mariage gay

pour mariage gay

Alors comme ça, si la loi accordant aux homosexuels le droit de se marier passait, ce serait la mort de la famille, et pire, la fin de notre civilisation ? Non mais, ça va pas la tête ?
Bon, d’accord, les promoteurs du projet de loi affublé du nom de « mariage pour tous » en auront fait autant, sinon plus, que les anti pour le desservir. Au lieu de montrer la réalité des familles homoparentales, ils ont réussi à faire passer leurs revendications pour des caprices d’enfants gâtés. C’est ce qui arrive quand, face aux doutes des opposants, on se borne à des réponses tautologiques (c’est comme ça parce que c’est comme ça), et qu’on martèle les notions d’égalité et de progrès comme des mantras. On peut aussi regretter les nombreuses outrances des pro-loi, portés à la surenchère.
Face à cela, les organisateurs de la « manif pour tous » du 13 janvier ont mené une campagne de communication habile. Pas fous, ils ne voulaient surtout pas se discréditer, comme lors des manifestations contre le Pacs, et ont passé des consignes très strictes pour ne pas prêter le flanc à ces dérapages dont les médias sont si friands. Pari en gros réussi. Dans le détail, c’est autre chose, et l’homophobie peut se révéler plus redoutable en étant plus sournoise.
L’auteur de ces lignes étant très réticent à l’égard de la PMA (et de la GPA), et pas très chaud pour récupérer un symbole déjà bien assez dévalué par l’évolution des mœurs, se trouvait donc logiquement appelé à manifester contre le projet de loi. Sauf que ce qui touche à la procréation n’est pas inclus dans ce dernier. Par ailleurs, je suis favorable à l’adoption, deux adoptants étant selon moi pas plus nuls par essence qu’un seul (et la loi autorise l’adoption par les célibataires, non ?).
J’ai écrit sur mon opposition personnelle au mariage, j’ai même contrefait sur le mode satirique la prose progressiste en commettant un article dans le style Libé-Inrocks, mettant en scène deux familles homoparentales caricaturales, parisiennes, friquées et branchées. J’ai participé à la manifestation « anti » du 17 novembre dernier car, bien qu’homosexuel, j’étais ulcéré d’être sommé de choisir mon camp en fonction de ma sexualité plutôt que de mes convictions. J’assume.
J’ai cependant décidé de ne pas me joindre à la manifestation du 13 janvier. En effet, le slogan « un papa, une maman, y’a rien de mieux pour un enfant » entendu en novembre m’a mis profondément mal à l’aise. Je pensais à un couple d’amis, deux hommes, qui élèvent un petit garçon d’origine haïtienne. Ils habitent à la campagne, loin du Marais. Ils ne sont ni riches ni branchés. Quand ils ont accueilli cet enfant, j’ai craint pour leur acceptation sociale. Mes craintes se sont révélées infondées. Quant à leur petit garçon, c’est un enfant très vivant, qui n’ignorera rien des règles naturelles de la conception ni de ses origines. Cela ne veut pas dire qu’il grandira sans difficultés, mais en vertu de quoi les siennes seraient-elles pires que celles d’autres enfants ?
Cette réalité-là existe à des milliers d’exemplaires en France. Or, qu’on le veuille ou non, la reconnaissance sociale passe aujourd’hui par la loi, y compris dans sa charge symbolique. Et c’est ce que je finis enfin par admettre, même si, à titre personnel, je vis mes choix différemment. Le droit, aujourd’hui, gouverne, là où la religion et les usages s’imposaient autrefois.
Moi qui suis chrétien, c’est à l’Eglise que je m’adresse. Le problème, c’est qu’elle fait semblant d’adopter un discours non-confessionnel, alors que son catéchisme continue de maltraiter les homosexuels. Au passage, quand ce dernier préconise de ne pas leur faire subir « d’injustes discriminations », cela indique qu’il existe des discriminations justes  – la preuve. Que les cathos me pardonnent, mais les invectives violentes déversées par certains militants à l’égard de l’Eglise sont à cet égard une réponse du berger à la bergère, et aux propos inouïs d’un Mgr Barbarin, alléguant que ce projet ouvrirait la voie à la polygamie et à la levée de l’interdiction de l’inceste. Un peu plus, et il agitait la menace de la légalisation des couples zoophiles. Enfin, je trouve que l’Eglise empiète dangereusement sur le terrain de l’Etat quand elle joue un rôle actif, à travers ses paroisses, pour organiser la contestation aboutissant à la saisine du CESE.
Mais nous parlons ici de droit laïc. Il est acquis, j’espère, que nous partageons tous, en France, la même dignité d’être humain. Or, en tant qu’êtres humains sans distinction de sexe, nous sommes traversés à différents degrés par les désirs profonds qui s’attachent à cette dignité, y compris celui d’une union durable, y compris celui de fonder une famille. Pourquoi, dès lors, fermer la reconnaissance légale de telles aspirations à une partie de la population, sous le prétexte d’une sexualité différente ? Obtenir cette reconnaissance n’est pas en déposséder qui que ce soit. Il s’agit d’amener ceux qui n’en bénéficient pas encore dans la communauté de ceux qui la détiennent, et d’apporter une protection juridique à des entités familiales existantes, à l’instar des familles ordinaires.
J’ai lu beaucoup d’argumentaires pour ou contre le mariage homo, sans oublier des témoignages qui m’ont ébranlé comme celui d’Irène Théry. Et ma perception a évolué. Je me suis rendu compte que je jugeais en fonction de mon histoire personnelle, des valeurs héritées de mon éducation, non pas en écoutant vraiment ceux qui désirent cette loi plus que tout.
De nombreux opposants croient de bonne foi s’en tenir à la raison, alors qu’ils sont mus par leurs représentations et leurs affects. Or il faut être honnête, une immense majorité des manifestants du 17 novembre et du 13 janvier tolèrent les homos dans un rôle unique, celui d’une instabilité affective et d’une sexualité débridée. Que ce rôle les fascine ou les repousse, il vient raffermir par contraste leur propre ancrage dans leur cellule conjugale et familiale, fût-elle recomposée ou abîmée. Mais le mariage ? Le désir de donner de l’amour à un enfant ? Ah non, faut pas pousser, qu’ils restent à leur place, ces homos !
Il faut un jour que le masque tombe. Les lois sur la famille et sur le couple ont considérablement évolué depuis le Code Napoléon, avec l’évolution de la société et  sa sécularisation. Et ce ne serait pas possible pour les homos ? Le mariage n’est pas qu’un contrat, il est aussi un symbole d’affirmation sociale d’une union, qu’elle soit féconde ou non. La société est en crise, le chômage explose, l’individualisme fait éclater les solidarités, mais lorsqu’on défile en masse, c’est contre un droit demandé par des homos. Cela fait beaucoup de coïncidences, non ? En 1984, la foule défilait pour défendre une de ses libertés : le droit à l’enseignement privé. En 2013, elle a défilé – dans la bonne humeur, soit – pour refuser un droit à d’autres. Après réflexion, et en conscience, j’ai donc choisi de soutenir le projet de loi sur le mariage pour tous.

*Photo : Max xx.



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est salarié dans le privé, résidant à Paris. Sans appartenance associative ni politique, il se définit comme un citoyen épris de débat.

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