Passez votre chemin, si un opéra de Wagner suffit à vous lasser !
Tout le monde connaît le compositeur John Cage. Son célèbre 4’33” de 1952, tout simplement composé d’aucune note, l’a fait entrer dans la postérité. Quatre minutes et trente-trois secondes de silence assourdissant, embelli de toussotements ou de mouches qui volent. Grand amateur du zen, l’artiste américain affectionnait l’aléatoire, le minimalisme et la répétition. C’est ainsi que, en plus du morceau le plus silencieux du monde, il nous a légué le morceau le plus long. Résultat, dans l’église Saint-Burchardi à Halberstadt, en Allemagne, depuis vingt-deux ans, cinq mois et quelques jours, un orgue mécanique, spécialement conçu pour l’occasion, joue sans interruption une partition longue de huit pages. Organ²/ASLSP (As Slow as Possible – « aussi lent que possible ») est une pièce musicale qui n’a pas de durée préétablie, puisque son rythme n’est pas spécifié par feu son compositeur, décédé en 1992.
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À sa création en 1987, l’œuvre a duré moins de trente minutes, mais en étirant à l’extrême les notes, elle peut devenir infiniment extensible dans le temps. La version actuelle, le produit du « John Cage Organ Art Project » lancé neuf ans après la mort du compositeur, a été conçue en 2001, et la première note a retenti en 2003. Lundi 5 février 2024, la charmante église de Saint-Burchardi était comble. Visiteurs occasionnels, mélomanes passionnés, médias se sont rassemblés pour assister à un événement quasi historique pour cette ville de Saxe-Anhalt : le seizième changement d’accord dans l’œuvre gargantuesque. Dans la combinaison de notes créant l’accord, un ré a été ajouté. À terme, le morceau de 1987 ne durera pas moins… de 639 ans. D’ici à 2640, présumée date de fin de la partition.