Quand la propagande féministe entre à l’Éducation nationale, les savoirs sont remplacés par le féminisme victimaire, et ce sont les garçons qui trinquent.
Et voici donc venir la Journée des droits de la femme 2024. A l’école aussi. Bien sûr. Puisque l’école accueille en son sein toutes les festivités contemporaines avec un grand enthousiasme, des JO à la Semaine du goût en passant par la Fête de la « Fraternité générale ».
Dans la perspective de ce vendredi 8 mars tout féminin, le site de l’Éducation nationale reprend mot pour mot le texte publié par l’ONU1. Celui-ci affirme que les réductions des dépenses publiques constatées dans le monde « auront des répercussions négatives sur la situation des femmes ». Usant ensuite d’un conditionnel, il poursuit: « plus de 342 millions de femmes et de filles pourraient ainsi vivre sous le seuil de pauvreté d’ici à 2030 ». Il déplore que les organisations féministes, qui – selon l’ONU – prennent la tête de la lutte contre les inégalités et la pauvreté des femmes « tournent à vide, puisqu’elles ne perçoivent que 0,13 pour cent du total de l’aide publique au développement. » Quelle proportion de nos impôts faut-il verser aux organisations féministes à travers le monde pour que l’ONU soit satisfaite ? Nul ne le sait.
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Ce copié-collé d’un texte à visée internationale, alarmiste, n’est pas adapté aux enjeux français et conduit tout naturellement le ministère de l’Éducation nationale à encourager ses employés à passer « à une économie verte, une société de soins » et « à soutenir les agents de changement féministes ».Contester le bien-fondé de ce fléchage de l’argent public revient à se ranger immédiatement dans le camp du patriarcat éhonté. Du ministre aux grouillots de la rue de Grenelle, tout le monde approuve et logiquement, les établissements sont fortement incités à poursuivre ces mêmes objectifs. Mais l’urgence en France est-elle vraiment d’ancrer le féminisme à l’école ?
Remplacer les savoirs par le féminisme victimaire
Il est bien sûr impossible de prédire quelles actions auront lieu cette année mais il existe déjà des habitudes en la matière. Les « bonnes idées » foisonnent. Il suffit de consulter les sites académiques qui relaient fièrement les manifestations de « féminisme scolaire ». Ici, les élèves constitués en Brigade Egalité Garçons-Filles distribuent aux adultes des citations de « femmes inspirantes », de Simone de Beauvoir à Hillary Clinton en passant par Beyoncé. Là, ils réalisent des graffitis géants à la gloire des femmes sur les murs de leur collège. Ailleurs encore les professeurs organisent des expositions dénonçant les inégalités de genre, le problème n’étant visiblement plus que les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes mais que chacun puisse choisir son genre. A Créteil, Françoise Vouillot, responsable du groupe « OriGenre » (orientation et genre), ancienne présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux » du Haut conseil à l’égalité femmes/hommes (HCE F/H), donne une conférence : « appréhender comment (sic) le système de genre influence le fonctionnement de l’institution scolaire ». Autrement dit : le système hiérarchise les sexes et les valeurs qui leur sont associées mais je vais vous expliquer en quoi l’école en est affectée.
L’académie de Limoges a proposé un « happening ou déclaration d’une phrase choc dans les classes ainsi que d’un quiz réalisé par le CVL » (Conseil de vie lycéenne). Une phrase choc pour régler les problèmes de violences faites aux femmes. Comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?
A Poitiers, on crée une mosaïque de l’égalité, on organise des collectes contre la précarité menstruelle, on slame…
A Rennes on l’échappe belle grâce à l’escape game « Panique à sexisme city ». Quel suspense !
Sur le site de l’académie de Dijon on rappelle sur une affiche « Synthèse – Vers l’égalité entre les femmes et les hommes en 10 chiffres clés » qu’une femme sur dix serait concernée par l’endométriose. Si l’égalité importait vraiment à ces gens, ils rappelleraient aussi les statistiques du cancer des testicules…
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Ces activités se font évidemment sur le temps scolaire. On le sait, atteindre l’égalité réelle dans tous les domaines est aujourd’hui la priorité de l’Éducation nationale. Le plus beau cadeau à faire aux petites filles serait pourtant de les instruire et non de leur farcir la tête de ressentiment.
Le mal-être des garçons
Depuis des décennies, les sociétés occidentales, et la société française ne fait pas exception, se concentrent sur les discriminations dont souffre la gent féminine ; l’école en a même fait une mission. Elle en oublie qu’elle est censée s’attacher à la réussite de tous. Or le mal-être des garçons est croissant : plus souvent en échec, ils se montrent aussi plus violents, tombent davantage dans la dépression ou la phobie scolaire. Les dernières études PISA montrent un écart d’un an entre les filles et les garçons en classe de troisième. Le rapport de la DEPP 2021 (Filles et garçons sur le chemin de l’égalité) montre qu’au baccalauréat, elles obtiennent de meilleurs résultats dans toutes les voies. La part des candidates ayant obtenu une mention « bien » ou « très bien » est nettement supérieure à celle des candidats. Elles obtiennent plus souvent des mentions « bien » ou « très bien » dans la série scientifique S (+ 11 points). Cette hégémonie scolaire féminine se poursuit dans les études supérieures et se traduit depuis quelques années dans la vie professionnelle. La présence des femmes augmente particulièrement dans les métiers très qualifiés. En 2017, 55% des avocats et 70% des élèves avocats étaient des femmes. 135 barreaux sur 164 ont déjà eu à leur tête une femme bâtonnière. Les effectifs de magistrats judiciaires français sont également très féminisés tant en ce qui concerne les juges professionnels (73 % au siège) que les procureurs (59 % au parquet). 50% des médecins généralistes sont des femmes et la proportion ne cesse de croître…
Les enseignants exhortés à « s’engager dans une pédagogie qui limite la transmission des stéréotypes » sont nombreux à déplorer le temps consacré à ces obsessions au détriment des disciplines. Les manuels continuent d’affirmer que « les inégalités sont présentes dans tous les domaines ». Le site de l’Éducation nationale, on l’a vu, consacre des pages entières à l’égalité entre les garçons et les filles, serinant que « filles et garçons intériorisent les stéréotypes » ou encore que « filles et garçons continuent à se conformer à ce qui est présenté comme leur domaine respectif de compétence dans les schémas socioprofessionnels fortement stéréotypés ». Les hommes sont, en creux, généralement présentés comme ceux qui abusent ou ont abusé de leurs droits. Il serait alors urgent d’inverser un rapport de force et de prévenir les futurs abus des petits garçons, coupables d’avance des mêmes crimes que leurs pères.
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L’habitude intellectuelle qui consiste à faire des femmes les uniques victimes de la société nous empêche de voir ce qui crève les yeux : l’échec scolaire et ses conséquences sont massivement masculins.
Ce que l’on ne dit pas
Dans École, la fracture sexuée, Jean-Louis Auduc livre de nombreuses statistiques passionnantes. Deux tiers des décrocheurs sont des garçons, les trois quarts des enfants d’origine maghrébine et subsaharienne. Les résultats des filles d’origine africaine ou maghrébine sont très proches de ceux des petites Françaises « de souche ». Elles voient clairement la réussite scolaire comme un moyen de s’émanciper. Le modèle musulman éduque souvent les garçons comme des petits rois, qui ne participent à aucune tâche domestique et développent une nonchalance incompatible avec les exigences de l’école. À cela s’ajoutent les politiques égalitaristes qui excusent ces élèves au nom de leurs difficultés sociales. Fractures sexuée et religieuse se superposent donc pour se potentialiser l’une l’autre. Ce phénomène a été plusieurs fois décrit et analysé, notamment en 2004 par le rapport Obin.
Aider les garçons pour aider les filles
Donner des armes aux filles pour se défendre contre le harcèlement et les encourager à réussir est capital, bien sûr ! Il ne s’agit pas de les renvoyer à leurs travaux d’aiguilles ! Mais aider les garçons à s’épanouir à l’école est indispensable pour retrouver un climat serein, lutter contre le harcèlement et l’échec scolaire.
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Il faut dès lors se montrer très explicite ; leur dire, ainsi qu’à leurs parents : « la domination masculine qui vous semble si naturelle a fait long feu. Vous serez concurrencés par des filles aussi douées et libres que vous, très motivées par surcroît. La seule alternative possible est l’effort. Votre sexe ne constitue plus un avantage acquis. »
La prépondérance des femmes dans le personnel scolaire et le fait que les mères s’occupent plus de la scolarité en éloigne aussi les garçons qui ont besoin de modèles masculins. Éduqués dans un environnement féminin qui les surprotège mais les juge pénibles, ils perdent parfois confiance et concluent que l’école n’est pas faite pour eux. Je les entends dire et se convaincre que la lecture est une activité de filles. Certains rechignent à travailler à l’école pour ne pas « passer pour des homos »…
Pourtant, nombreux sont les hommes qui enseigneraient volontiers si le métier n’était pas si réglementé, s’il était possible de passer d’une carrière à l’autre, si les salaires étaient négociables, plus généralement si les relations au sein du système éducatif français étaient plus libres. Dans le corps enseignant, la parité est loin d’être atteinte et c’est au détriment des garçons.
Hommes et femmes souhaitons la même chose : les mêmes droits, l’instruction pour tous et renouer avec une société prospère et apaisée. Œuvrons ensemble pour que chacun, quel que soit son sexe, puisse trouver sa voie et s’épanouir, c’est le véritable rôle de l’école. La victimisation n’est jamais une solution.
- https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2023/09/progress-on-the-sustainable-development-goals-the-gender-snapshot-2023 ↩︎
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