Le vent qui souffle à l’est défrise nos moralistes occidentaux doués, c’est un axiome, pour l’éternité de la sagesse suprême : la démocratie, nous disent-ils, ce régime idéal voué à l’expression de la diversité des opinions, ne sera jamais parfait que s’il est décalqué du nôtre. On n’est pas plus intellectuellement totalitaire.
Que Viktor Orban, ce héros de la lutte contre l’occupation de l’Armée rouge, dote son pays, qui l’a démocratiquement élu, d’une constitution nouvelle, et c’est le tollé, l’édification du pilori, les hauts cris, le graissage du gibet de Montfaucun et la rediffusion immédiate de Nuit et brouillard (copyright Finkielkraut, je crois). Jugez du danger : la Hongrie, puissante nation capable de mettre le feu au monde, nous défie. Il faut réagir sans tarder devant cette accession du Chancelier Hitler au pouvoir nouvelle manière. Bientôt l’incendie du Reichstag, bientôt l’Anschluss – la Hongrie annexant l’Autriche – l’Amiral Horty et les Sudètes. La maison brûle, nous discutaillons et Le Monde fait ses éditos. Aux armes, citoyens, et tout le tralala.
Il est vrai que lorsqu’un événement équivalent a lieu, au même moment, dans les pays arabes et nord-africains, personne n’ose l’ouvrir. Faudrait pas sombrer dans le néocolonialisme. A moins que Tunisiens, Marocains et autres Egyptiens ne soient pas dignes de démocratie, en fait. C’est peut-être l’opinion secrète. Une charia modérée, voilà ce qu’ils méritent.
Mais jugez : Orban, lui, déclare que l’avortement n’est pas un droit de l’homme. Scandale ! Qu’il soit en accord là-dessus avec les instances internationales n’est pas un argument. C’est beaucoup plus grave que le port du voile, la lapidation, et l’interdiction de la liberté de culte. En sus, il introduit une référence religieuse dans sa constitution. Rien à voir avec les Allemands, les Irlandais et les Maltais, qui, eux, ont le droit. Lui, qui n’est que vulgairement Mitteleuropa, reste suspect comme le premier Serbe venu de tendances dictatoriales et paléochrétiennes congénitales.
Cet autocrate légitimement élu qui comme Pasqua redécoupe la carte électorale à son profit ; ce tyran venu du libéralisme qui comme Mitterrand ou Sarkozy place ses hommes aux postes-clefs de l’Etat et de la culture ; ce barbare qui comme Israël avec les siens accorde la nationalité aux descendants de Hongrois voisins ; cet Ubu qui comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis limite l’indépendance de sa banque centrale ; ce Bajazet, ce Tamerlan, ce Gengis-Khan enfin doit être banni de la communauté politique, puni économiquement par l’Europe et le FMI et même, s’il persiste, retranché de la société des hommes.
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