Pour Benjamin Amar, quand les fonctionnaires sont attaqués, c’est l’État qui est visé. Il dénonce une charge libérale, voire « réactionnaire », basée sur des éléments biaisés et caricaturaux, alors que dans bien des domaines, le service public est plus efficace que la gestion privée.
À chaque fois qu’une crise économique éclate et engendre en cascade une crise politique, deux choses sont certaines : le soleil va se lever le lendemain, et des langues fourchues des cercles politiques et médiatiques vont sortir de leur antre sombre, tel Caliban, pour distiller leur fiel sur les fonctionnaires. Cette passion triste consistant à fustiger les fonctionnaires est une obsession historique de la bourgeoisie, comme en atteste le roman médiocre de Courteline en 1892, Messieurs les ronds-de-cuir. Des figures littéraires, légères comme le parpaing, s’y moquent à longueur de pages de la prétendue faculté́ inépuisable des fonctionnaires à tirer leur flemme, en protégeant leur arrière-train par un petit coussin de cuir posé sur leur fauteuil.
Derrière les fonctionnaires, c’est bien sûr l’État qui est visé par les libéraux et les réactionnaires, dans ses prétentions à intervenir dans la sphère économique et sociale. En jetant du vitriol sur les agents de l’État, décrits comme des parasites inutiles et incompétents, c’est bien celui-ci qui est frappé d’infamie. Cette complainte antiétatique et antifonctionnaires est portée par de nombreux prophètes et oiseaux de mauvais augure, qui sont autant de figures tutélaires de la droite dure du monde
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