La prolophobie décrite par Brustier et Huelin dans Voyage au bout de la droite semble bien devenue un sport très prisé dans certains milieux. Chez Taddéi ce mercredi, par exemple, on a pu voir un Me Thierry Lévy saisissant d’agressivité s’indigner contre la demande de sécurité formulée par de nombreux Français, quand bien même son interlocutrice lui faisait remarquer qu’elle émanait des classes les plus pauvres de notre pays.
L’humoriste subventionné Jean-Michel Ribes a aussitôt surenchéri sur la star du barreau en signalant qu’il ne sentait pas cette demande, habitant lui-même dans un quartier populaire. Pas étonnant qu’il ait davantage de mal à la sentir, cette anxiété, qu’un habitant de Noisy-le-Sec. Si son quartier de Ménilmontant fût populaire au temps de Maurice Chevalier et l’était encore à l’orée des années 80, les loyers actuels le rendent surtout accessible aux classes moyennes-supérieures en veine d’encanaillement. Quant au prix du mètre carré à l’achat, il se situe autour des huit-mille euros, c’est dire si le prolo a été expulsé -puis dispersé façon puzzle- depuis longtemps du voisinage du créateur de Palace.
Cette prolophobie ne concerne évidemment pas que les questions de sécurité, d’immigration ou de laïcité. Patrick Buisson, qui lui aussi a repris le concept de prolophobie, semble bien frappé d’hémiplégie lorsqu’il liste les solutions qu’il préconise afin de faire revenir au bercail sarkozyste les classes populaires qui l’ont lâché lors des derniers scrutins, en s’abstenant massivement ou en votant pour les candidats estampillés Marine Le Pen. Son ordonnance ne répond qu’à ces thématiques islamocentrées. Le bon docteur Buisson a juste oublié la désindustrialisation, les délocalisations, la croissance atone, les transports, le logement, autant de thèmes qui préoccupent autant voire davantage les milieux populaires en question.
Ne prenant pas les conseillers du Président pour des imbéciles, j’ai tendance à croire que Monsieur Buisson n’ignore rien de cela et qu’il est contraint de faire l’impasse sur le patriotisme économique et social puisqu’il est entendu que Nicolas Sarkozy n’est pas décidé à sauter le pas décisif ; à savoir aller vers la démondialisation préconisée par les uns et/ou de sortie du carcan euromonétaire réclamée par les autres. Peut-on vraiment aimer les ouvriers sans rien faire pour les empêcher de devenirs des chômeurs ? C’est bien beau de dénoncer la prolophobie mais encore ne faut-il pas y tomber soi-même.
Et s’il n’y avait que Lévy, Ribes et Buisson ! Voilà donc que notre ministre de l’écologie, dans le cadre du Grenelle vert, souhaite interdire dans huit villes la circulation aux véhicules à moteur mis en circulation il y a plus de douze ans. Parmi ces communes, Clermont-Ferrand mais aussi et surtout Paris et Saint-Denis. Imaginez un salarié endetté et habitant loin de Paris (ou de la Plaine Saint-Denis) où il travaille. Les transports en commun sont longs et ne lui donnent pas la garantie d’arriver à l’heure au bureau. Alors il prend sa vieille bagnole qu’il n’a pas pu renouveler parce que son endettement dépasserait le tiers de son revenu. Grâce à Borloo, NKM et Hulot, il fait comment ? Il se démerde. Salaud de pollueur ! Salaud de pauvre !
On pouvait attendre des éléphants de la rue de Solférino un barrissement, au moins pour la forme. Ainsi a-t-on posé la question à Claude Bartolone, qui était invité à Europe1. N’est-il pas aussi président du Conseil Général de Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France là où les vieilles bagnoles concernées par la mesure gouvernementale constituent la plus grande partie du parc ? Que croyez-vous qu’il a répondu? Qu’il a crié au scandale ? Que nenni ! Certes, il signifié le fait que le 9-3 manquait cruellement de transports en commun et que cela pouvait être ressenti comme injuste mais, relancé par Nicolas Poincaré, il ne s’est pas dit scandalisé par la mesure, qualifiée au passage de « signal » et de « symbole ». Prolos de Seine-Saint-Denis, vous voilà défendus énergiquement ! Mon petit doigt me dit que beaucoup d’entre eux auraient sans doute préféré qu’il s’indignât contre NKM que contre Guéant et Copé.
Une présidentielle à 50 % de participation, ça vous dit ?
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !