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«Populiste, moi? J’assume!»


«Populiste, moi? J’assume!»
Philippe Bilger © BALTEL/SIPA

Il ne faut pas avoir honte du populisme judiciaire !


Rien que le mépris dont les médias distingués et les élites à l’abri accablent le populisme judiciaire me donnerait envie de le défendre, mais il y a plus à dire en sa faveur…

Quand je lis ce titre du Monde – « Face au populisme judiciaire, le monde de la justice inquiet » – et l’article qui suit, avec une sélection très précautionneuse d’un ministre, de magistrats (Denis Salas) et d’avocats (Patrice Spinosi) accordés sur le danger que représenterait le populisme pénal, je suis naturellement conduit à m’interroger sur cette manière de présenter les pièces d’un procès dont la cause est entendue avant même le moindre débat.

Et sans que la plupart soient à même d’expliciter cette notion entrée dans le langage courant et dont ils abusent.

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Les exemples donnés de « populisme judiciaire » montrent bien cette facilité qu’on s’octroie et qui consiste à juger scandaleuse toute aspiration à une justice plus répressive.

On se sert d’un extrémisme et d’une outrance rares – ainsi ceux de Cyril Hanouna qui mérite cependant d’être écoutés et questionnés – pour fustiger des revendications dont l’excès signerait leur prétendue indécence.

Le laxisme de la justice questionné

Pour l’essentiel, que de poncifs ornés d’humanisme !

Pourtant toutes les personnes interrogées par le Monde ont-elles raison quand elles affirment que « la justice n’est pas laxiste » ? Si, globalement, elle ne l’est pas, on peut cependant faire état de multiples exemples qui permettent de comprendre l’émoi, voire l’indignation civiques à la suite de certains jugements ou arrêts. Je ne suis pas persuadé que les théoriciens d’une justice qu’ils s’acharnent à voir conforme à leur idéal de fermeté très relative soient les mieux placés pour fustiger tous ces citoyens « populistes ».

Considérer que dans le procès pénal la cause de la victime et son écoute ne doivent pas être exclusives est une évidence. Mais de là à leur dénier un rôle fondamental dans l’élaboration de la sanction à venir, cela relève d’une absurdité qui n’est destinée, à nouveau, qu’à déplacer le point d’équilibre de l’audience criminelle vers l’accusé.

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Invoquer par ailleurs la surpopulation carcérale pour battre en brèche l’idée du laxisme de la justice n’est pas un argument décisif. Cette trop forte densité ne démontre rien d’autre que la nécessité de construire vite de nouvelles places d’enfermement. Cette erreur d’analyse est la conséquence directe du discrédit qu’on attache par principe à l’incarcération, en mesurant mal qu’elle est rendue obligatoire pour les délits graves et les crimes. Ils ne sont pas commis à cause d’elle mais malgré elle.

La prison de La Talaudiere (Saint Etienne) dans le département de la Loire, photographiée en 2019 © KONRAD K./SIPA Numéro de reportage: 00933744_000026

Sur un autre plan, se moquer des 61 % des personnes interrogées (étude annuelle Kantar Public-Epoka pour Le Monde et Franceinfo) parce qu’elles estiment que « la justice n’est pas assez sévère avec les petits délinquants » n’est pas non plus une attitude convenable. Alors qu’on peut soutenir que dans le cadre d’une politique pénale cohérente, une répression correctement ciblée sur les « petits délinquants » serait au contraire une pratique souhaitable.

La majorité ordinaire abandonnée

Je pourrais faire référence à d’autres débats qui tourneraient systématiquement en dérision le « populisme judiciaire » qui au fond n’est que l’attente impatiente d’une autre justice et le sentiment angoissé que l’actuelle n’est pas à la hauteur de ce qui sourdement ou de manière explicite surgit des tréfonds du pays.

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Il me semble qu’une explication ayant du sens éclaire au moins partiellement le mépris politique et médiatique à l’encontre de ce « populisme pénal », très souvent assimilé à ce que ses adversaires appellent la démagogie du RN. On a l’impression, à entendre de multiples réactions parlementaires ou autres, qu’on rend sans le vouloir un hommage équivoque au RN en le constituant comme porte-parole du « populisme ». Une perception plus fine pourrait au contraire désigner comme groupe dominant de ce populisme, cette « majorité ordinaire » qu’évoque Christophe Guilluy et peu ou prou abandonnée par le pouvoir.

« Les attaques contre les fondements du droit, les gens de justice – avocats et magistrats – y sont habitués. Mais leur généralisation les inquiète » : cette généralisation, à la supposer exacte, ne vient pas de nulle part. D’abord, pour le commun, de la démonstration trop souvent décourageante de l’impuissance de l’État de droit classique. Quand l’insécurité augmente et prend des formes de plus en plus violentes et précoces, la faiblesse de nos dispositifs de protection traditionnels, mal adaptés à aujourd’hui, saute aux yeux pour peu qu’on veuille les garder ouverts. Ensuite, si le populisme judiciaire est une plaie de la République, que magistrats et avocats fassent leur examen de conscience : ne sont-ils pas, à des titres divers, directement responsables de ce qu’ils s’imaginent combattre ? L’aristocratisme pénal est le pire remède au populisme : il le valide au lieu de le réduire.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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