On devrait lire plus souvent les blogs québécois consacrés au cyberespace. Ainsi apprend-on grâce à Tristan Péloquin que des internautes pro-Mc Cain espionnent en permanence les moindres faits et gestes de son concurrent démocrate. Le plus amusant est qu’il n’y a là rien d’illégal. Grâce à un nouveau logiciel de veille informatique, Versionista, on peut déceler toutes les modifications opérées en loucedé sur un site web. Et la comparaison s’avère parfois cruelle comme, par exemple lorsqu’il s’agit du bilan opérationnel des troupes US en Irak qu’on analyse très différemment à quelques jours d’intervalle sur barackobama.com.
Que nous dit le site officiel du candidat en date du 11 juillet ? Que des milliers de p’tits gars sont un peu morts pour pas grand-chose : « En échange d’un coût énorme, nos troupes ont aidé à réduire la violence dans certaines régions d’Irak, mais ces réductions ne nous ont pas ramené en dessous du niveau insoutenable enregistré à la mi-2006. »
Mais Washington D.C. vaut bien une messe et, en moins de temps qu’il ne faut pour en rire, Barack a jugé plus opportun de se convertir à la religion vernaculaire du « Support our troops ». Dans la version de la même page datée du 14 juillet, le bilan devient globalement positif : « Nos troupes ont héroïquement aidé à ramener le nombre de décès civils au niveau enregistré au début 2006. Il s’agit d’une démonstration du bon travail de nos militaires, de nos meilleures tactiques de contre-insurrection, et des énormes sacrifices dont font preuve nos troupes et leurs familles. »
Right or wrong, Mc Cain n’aurait pas dit autre chose, et d’ailleurs, depuis le début de l’intervention américaine, il n’a pas dit autre chose, lui. Et ce n’est qu’un début ; au fil de la campagne, on sera de moins en moins surpris de voir l’ex-trublion lisser sa copie sur tout ce qui fâche : en vérité, qu’il s’agisse des questions afférentes au travail, à la famille, à la patrie, sans oublier la peine de mort, rien ne semble devoir entraver la McCainisation des esprits. Ce n’est pas avec un argumentaire altermondialiste qu’on gagnera le coeur des ménagères de moins de cinquante ans ou l’électorat flottant des banlieues middle class. Pour avoir une petite chance de gagner, il faut désespérer Berkeley.
C’est d’ailleurs cet alignement progressif qui a motivé une nouvelle candidature de Ralph Nader. Comme Libé ne l’a pas rappelé à ses lecteurs, le vétéran de la gauche verte américaine n’hésite pas, textes à l’appui, à renvoyer les deux principaux candidats dos à dos sur des sujets aussi bobodiscriminants que le mariage gay, la dépénalisation de la marijuana, la lutte contre l’effet de serre ou les écoutes téléphoniques « anti-terroristes ».
Si ça se trouve, il n’y a pas que les GI’s de Bagdad et de Nassiriyah, désormais si chers à Barack Obama, qui devront être héroïques. De Hollywood à Oberkampf, ses supporters de la gauche morale auront eux aussi à consentir d’ »énormes sacrifices ».
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