Après trente ans de service dans la police nationale, Claude Sirvent a embrassé la vocation de prêtre. Aujourd’hui aumônier de la police, il raconte les mutations d’un métier qu’il a vu passer des commissariats de papa aux banlieues islamisées. Entre-temps, la peur a changé de camp.
Causeur. Claude Sirvent, la crise des « gilets jaunes » vous place dans une situation très particulière. Vous êtes prêtre d’une paroisse du sud de la France, mais aussi l’aumônier national de la communauté chrétienne des policiers de France. De quel côté des barricades penchez-vous ?
Il n’y a pas deux côtés ! Les policiers sont des « gilets jaunes » de cœur, ils connaissent les fins de mois difficiles, la dureté de la vie et le manque de reconnaissance. Ils savent faire la différence entre un « gilet jaune » aux revendications légitimes et le casseur dont le seul but est de faire mal, voire de tuer. Reste qu’ils ont fini l’année usés par ces insupportables samedis de guérilla urbaine. Ils espèrent un dénouement rapide et durable de cette crise. Quant à mes paroissiens de Draguignan, ce sont des petites gens, issus des couches populaires. Ma paroisse compte aussi de nombreux militaires, dont des hauts gradés, notamment dans l’artillerie. Certains parmi eux ont été durement touchés par le dysfonctionnement du logiciel de paie Louvois, qui a mis leurs familles dans la difficulté.
Avez-vous parlé avec des « gilets jaunes » ?
J’en ai croisé quotidiennement. Ils étaient environ une centaine, regroupés à l’entrée du péage de l’autoroute. J’ai parlé avec eux, j’ai entendu leur souffrance, leur mal-être profond qui s’exprime par un cri : « Ça suffit ! » En tant que prêtre, je suis non seulement en empathie avec eux, mais aussi particulièrement sensible au fait qu’étant là, jour et nuit, ils ont fait communauté. Le carrefour qu’ils occupent est devenu une sorte d’église : on y partage la parole, mais également le pain et le vin. Ils osent croire en une vie meilleure. J’espère que cette communion, cette nouvelle sociabilité perdurera, car c’est peut-être ce qui nous manque le plus.
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Avant de devenir aumônier des policiers, vous étiez vous-même officier de la police nationale. Comment êtes-vous entré dans la carrière ?
Après des études de droit et une éducation quelque peu bourgeoise sur la Côte d’Azur, puis mon service militaire, je suis entré à l’école des inspecteurs de police de Cannes-Écluse, en Seine-et-Marne, en 1982. J’en suis sorti en septembre 1983 et j’ai intégré immédiatement la préfecture de police de Paris pour y exercer différentes fonctions dans plusieurs services de la
police judiciaire.

Quel profil avaient les policiers de la préfecture de police de Paris au début des années 1980 ?
La police était un corps très masculin et viril – les femmes commençaient à peine à arriver. Nos patrons – on appelait ainsi les commissaires – étaient de véritables messieurs qui avaient le
