Que ce soit dans le ghetto de Cracovie, la Californie des sixties ou le monde post-Weinstein d’aujourd’hui, Roman Polanski a toujours été présumé coupable. Retour sur la vie d’un homme libre.
Cornichons malossol
Il y a dans Le Pianiste ce plan prenant où Adrian Brody, pourchassé dans le ghetto par les nazis, survit grave à une boîte de cornichons malossol périmés, qu’il dévore, faute de mieux.
Cette scène ne vient pas de nulle part, mais d’une semblable conserve ramassée par la mère de Roman Polanski dans le ghetto. Le jeune Romek en avait fait ses délices, avant de se tordre en deux peu après, son estomac quasi vide ayant mal supporté la saumure.
Le ghetto de Cracovie ! Il faut imaginer le jeune Romek, huit ans, malingre, y cavaler et vivre d’expédients. Bientôt, sa mère part à Auschwitz, comme sa sœur ; son père disparaît. Devenu vagabond, Roman est hébergé de-ci, de-là, ne survit souvent que grâce au marché noir, au cache-cache journalier avec les Allemands qui le traquent. Mais déjà, le cinéma le fascine. Pourtant, les projections sont rares dans les salles où il s’introduit en douce. Grâce à un projecteur à manivelle rudimentaire, il découvre les frères Lumière et Abel Gance. Films de propagande, navets de cape et d’épée, westerns et péplums, il avale tout ce qui est à sa portée. Le cinéma est mal vu, pourtant, en ce monde entre Hitler et Staline. « Seuls les porcs vont au cinéma », clament des graffitis.
Absolute beginner
Dans la Pologne d’après-guerre, il se reconstruit tant bien que mal, sans son père, revenu de Mauthausen, mais remarié à une Wanda qui ne le supporte guère.
Le joug allemand s’est desserré, mais reste le communisme, celui d’avant Khrouchtchev et la détente. Le jeune Roman rate sa maturité (le baccalauréat local), se fait virer des beaux-arts, mais arrive à s’incruster dans des programmes de radio, joue même dans une bêtise de propagande, Le Fils du régiment. Enfin, grâce a l’amitié d’Andrzej Wajda, alors débutant, qui le fait tourner dans son Génération, il est finalement reçu à l’unique école de cinéma de Lodz. Nous sommes en 1955.
Roman Polanski est un rebelle. Fou de films, donc, mais aussi de jazz et de culture occidentale ou américaine, de tout ce qui peut lui permettre d’échapper à la chape de plomb stalinienne qui pèse alors sur la Pologne. Bientôt, il est un « faisan », l’équivalent local des zazous ou des « Teddy Boys » : longs cheveux graissés en banane et « queue de canard », pantalon serré et tout le tremblement.
Dès lors, animé par la double détestation du nazisme et du communisme, il ne rêve plus que de Paris ou Londres. Du monde libre. Il veut vivre comme dans les films et livres occidentaux, traduits au compte-gouttes. Licence sexuelle, alcool, liberté, jazz… Les années 1950 arrivent, et avec elle, la contre-culture. Beatniks, existentialistes, mods et rockers. De tout cela, Polanski est un absolute beginner.
Après plusieurs aventures, il épouse
