Accueil Médias Polanski, Finkielkraut et l’internet

Polanski, Finkielkraut et l’internet


Polanski, Finkielkraut et l’internet
Sandro Botticelli, La Calomnie d'Apelle, vers 1495.
Sandro Botticelli, La Calomnie d'Apelle, vers 1495.
Sandro Botticelli, La Calomnie d'Apelle, vers 1495.

Depuis que le « scandale » Polanski a été détrôné par d’autres scandales, il est désolant de constater que l’affaire, momentanément enterrée, a fini par graver dans le marbre des informations fallacieuses qui s’amplifient sur le net, et obligent à rappeler quelques vérités de base. 

Oui, tolérer le viol d’une jeune fille sous prétexte qu’elle fait des photos déshabillée est bien sûr inadmissible. Et excuser le viol d’une jeune fille sous prétexte que le violeur serait un grand cinéaste est plus inique encore. La plupart des Français ont (ré-)entendu parler de l’affaire Polanski après de son arrestation en Suisse comme l’histoire d’un homme qui a fui la justice après avoir commis un viol sur une jeune fille de 13 ans. Face à ces accusations inexactes, les Français ont trouvé bien faibles les arguments de la défense, évoquant un droit de prescription (qui n’existe pas aux Etats Unis) et la partialité du juge de Californie (qui a renié sa parole, faute pour laquelle l’affaire lui a été retirée). Et cette défense est passée comme une argutie juridique masquant la terrible réalité.

Le tollé est devenu si considérable que la seule interrogation des faits passe aujourd’hui pour une justification du viol et de la pédophilie. Or, si ce sont les faits qui comptent, rappelons que la Cour de Californie a jugé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre Roman Polanski pour viol, mais pour unlawful sexual intercourse (relation sexuelle illicite). Donc, les faits sont les faits et les mots ont un sens: le détournement de mineur n’est pas un viol. On peut bien sûr estimer que le consentement d’une jeune fille n’a aucune valeur dès lors qu’elle n’a pas atteint sa majorité sexuelle (décrétée aujourd’hui à 15 ans, hier à 18 ans, avant-hier à 21 ans). On peut aussi penser que Polanski a néanmoins commis une faute morale et que, sans employer la force, il a abusé de sa notoriété et son aura. Mais il est en revanche scandaleux que dans cette affaire de « détournement de mineur » ou « d’abus de pouvoir », l’accusé continue d’être présenté comme coupable de « viol », comme l’a affirmé Daniel Cohn-Bendit, et comme ne cesse de le répéter la foule des internautes — scandalisés qu’on puisse laisser ce « viol de pédophile » impuni.

Ajoutons que l’affaire Polanski n’a rien à voir avec la pédophilie, puisque celle-ci, tous les juristes le savent, ne concerne que les enfants, c’est-à-dire les mineurs pré-pubères. Mais son sens est suffisamment flou (puisqu’il est passé de « avoir du désir pour les enfants » à « avoir des relations sexuelles avec eux ») et les crimes si odieux (depuis l’affaire Dutroux) que la Calomnie en fait aisément son miel. Ne s’intéressant pas aux faits, elle préfère ourdir des procès d’intention sur des citations fallacieuses, dont Alain Finkielkraut a été récemment l’étonnante victime. Répondant à l’accusation de pédophilie contre Polanski, il a précisé au micro de France Inter que la plaignante « n’était pas une enfant au moment des faits. C’était une adolescente qui posait dénudée pour Vogue Hommes qui n’est pas un journal pédophile.» Répondant à l’accusation de viol, il a rappelé que «Polanski a toujours nié le viol, ne nous exemptons pas de notre devoir de réserve». Voilà qui suffisait pour que, dans son éditorial du journal Elle[1. Hector Obalk collabore régulièrement à Elle.] du 23 octobre 2009, intitulé « déni de viol », Marie-Françoise Colombani réécrive le texte ainsi: «Pas question de parler de viol pour Monsieur Finkielkraut puisque « la jeune fille avait déjà eu des relations sexuelles » (sic) et qu’elle « posait dénudée dans les journaux » (re-sic) » — les « sic » indignés et grotesques sont de l’éditorialiste. Voilà comment avec deux citations exactes et un « puisque », on fait passer n’importe qui pour un défenseur du viol… Afin que nul n’en doute, dois-je préciser : je m’appelle Hector Obalk et je suis contre le viol, que rien ne saurait justifier. Sic. 



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Droit dans le Mur
Article suivant Encore une minute, monsieur le bourreau
Hector Obalk est critique d’art. Il collabore à Elle et est l’auteur de plusieurs documentaires.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération