Un certain nombre de vérités d’aujourd’hui seraient passées pour des poissons d’avril dans les années 70.
Je me souviens que ma mère était tombée dans le panneau en apprenant par la radio que la France avait vendu la tour Eiffel parce que la dame de fer était devenue trop chère d’entretien, et qu’un émir arabe venait de l’acheter, et que mon grand père n’était pas dupe. C’était un 1er avril au début des années soixante dix. Je ne m’en souviens pas mais on m’a raconté qu’une autre fois, des inspecteurs étaient entrés dans le bureau d’un cadre pour lui dire :
« Monsieur, on n’a plus le droit de fumer sur son lieu de travail, directive du ministère de ma santé. Nous allons devoir vous verbaliser. »
– « Mais c’est mon bureau, et je suis seul. »
– « POI-SSON D’A-VRIL ! Vous pouvez ranger votre chéquier. Vous êtes rassuré ? »
– « Oui enfin je n’y ai pas vraiment cru, c’est quand même un peu gros. »
A quels poissons d’avril n’aurions nous pas vraiment cru, les trouvant un peu gros ? Dans quels panneaux aurions nous posé un pied, un 1er avril, il y a trente ou quarante ans, en gardant l’autre ancré dans une réalité et un bon sens que l’on croyait solides et qui disparaissent aujourd’hui ?
Le poisson pourrit toujours par la tête
Et si Roger Gicquel avait annoncé un 1er avril à 20h que l’Allemagne payait les turcs à milliards pour arrêter les migrants ? Que les Chinois achetaient l’aéroport de Toulouse ? Que certains enfants naissaient avec deux papas ou deux mamans ? Que des études sur le genre prouvaient que si on avait laissé Lino Ventura jouer à la poupée, il serait peut être devenu Patrick Juvet ? Que la montée des eaux menaçait les Maldives, où on avait adopté la charia ? Que des tribunaux islamiques rendaient la justice en Grande Bretagne ? Qu’une institution publique préconisait d’éclipser Ronsard et sa mignonne des livres d’école pour ne pas discriminer les séniors ? Que la lutte contre la grossophobie ou le droit de porter le voile étaient des combats féministes ? A quelles inventions comiques, à quels gags notre raison commune aurait-elle résisté, avant ?
Selon Marx, « lorsque l’histoire se répète, la première fois c’est une tragédie, la seconde une comédie. » Et si c’était l’inverse ?
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