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PMA pour tous: les questions qui fâchent


PMA pour tous: les questions qui fâchent
Marlène Schiappa a relancé le débat sur la PMA cette semaine. SIPA. 00812176_000070

C’est donc officiel : le gouvernement entend profiter de la révision des lois de bioéthique, en 2018, pour proposer au Parlement « d’ouvrir la PMA » aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes célibataires. C’est ce qu’a annoncé le 12 septembre, sur RMC et BFM TV, la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. C’était plus ou moins une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le 13 mars, le candidat à la présidentielle déclarait dans La Croix«Ma conviction personnelle est qu’il faut étendre la PMA […] Mais je respecterai l’avis attendu du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et regarderai aussi l’état de la société et des débats qui s’y jouent pour agir de manière apaisée. »

On s’en souvient, le CCNE s’est prononcé de manière positive dans un avis du 15 juin 2017.[tooltips content=’Onze des trente-neuf membres n’ont pas voté le texte.’]1[/tooltips] Reste donc à Emmanuel Macron et au gouvernement à respecter les conditions d’un débat, notamment parlementaire, susceptible d’apaiser l’opinion. Ce qui n’est pas gagné d’avance si l’on se souvient du précédent de la loi Taubira.

S’agissant de l’élargissement à toutes les femmes, d’une Aide médicale à la procréation aujourd’hui réservée, en France, aux seuls couples hétérosexuels en âge de procréer, souffrant d’une infertilité médicale, le débat devra répondre à un certain nombre de questions qui semblent « fâcher » celles et ceux qui considèrent que l’égalité des droits doit l’emporter sur toute autre considération.

Les questions auxquelles doivent répondre les partisans de l’extension de la PMA

Alors au risque de fâcher, osons les formuler ici, au nom de la liberté du débat citoyen.

1 – Est-il raisonnable de créer, de manière formelle, un « droit créance » à l’enfant que ne reconnaît à ce jour aucune Déclaration des droits de l’homme, pas davantage pour les couples hétérosexuels qu’homosexuels ou pour les célibataires ?

2 – Si de facto, l’enfant devenait un droit opposable, sur quelles bases juridiques refuser demain le recours à l’utérus artificiel ou à toute autre technique, pour celles et ceux qui en feraient la demande, quel qu’en soit le motif ?

3 – En l’état actuel du droit, l’enfant né d’une PMA n’a aucune possibilité d’accéder à ses origines paternelles. Est-il légitime de priver délibérément un enfant d’une partie de son ascendance et de sa généalogie ?

4 – Si, demain, la loi ouvrait le droit, pour tout enfant, à connaître ses origines paternelles, quelles en seraient les conséquences possibles sur le nombre de donneurs de gamètes qui bénéficient aujourd’hui de l’anonymat ?

5 – Sur quels critères, en cas d’élargissement du droit, se fera l’arbitrage de l’attribution des gamètes alors même que la France connaît, actuellement, une pénurie qui ne permet pas de répondre à la demande ?

6 – Si la France décidait de rémunérer les donneurs de sperme, comment s’opposer ultérieurement à la même rémunération pour des donneurs de « produits biologiques » pour lesquels il existe une pénurie : sang et organes.

7 – La communauté internationale peut-elle accepter l’émergence d’un marché du vivant où, demain, les plus pauvres de la planète seraient incités à « se vendre » ou à « louer leur ventre », au bénéfice de plus fortunés ?

8 – Le Parlement est-il prêt à ce que la PMA soit prise en charge par l’Assurance maladie ? Sinon, comment assurer une réelle « égalité des droits » entre ceux qui pourront y recourir et ceux qui n’en auront pas les moyens ?

9 – Quel serait le coût approximatif d’une prise en charge généralisée de la PMA par l’Assurance maladie ; quelles économies devraient être réalisées et où pour préserver son équilibre financier ?

10 – Peut-on imaginer qu’à terme, une loi sur l’euthanasie vienne apporter une réponse budgétairement satisfaisante à l’élargissement des prises en charge de la Sécurité sociale, en diminuant le coût des fins de vie ?

11 – Si l’Assurance maladie rembourse des frais non justifiés sur le plan médical, comment refuser, demain, des demandes de prise en charge pour d’autres actes, rendus possibles par les progrès de la médecine et répondant à d’autres formes de « souffrance sociale » avérée : chirurgie esthétique face au vieillissement, greffes liées au concept d’homme augmenté cher aux transhumanistes ?

12 – Si l’élargissement de la PMA est adopté en réponse à « la souffrance ressentie du fait d’une infécondité secondaire »[tooltips content=’« L’ouverture de l’IAD à des personnes ne souffrant pas de pathologie responsable de stérilité se concevrait pour pallier une souffrance ressentie du fait d’une infécondité secondaire à des orientations personnelles. Cette souffrance doit être prise en compte.» (Avis du CCNE, p.23)’]2[/tooltips] des femmes, comment, en termes d’’égalité des droits hommes-femmes, refuser demain l’accès des couples homosexuels ou des célibataires masculins à la GPA ?

13 – Est-il légitime d’envisager à l’avenir de telles dépenses, au motif que nous vivons dans des sociétés d’opulence, lorsque les deux-tiers de l’humanité n’ont pas accès aux soins les plus élémentaires ?

A lire aussi: Aujourd’hui la PMA, demain l’euthanasie et la GPA

Avec un peu d’imagination, il serait possible d’élargir encore la liste des questionnements auxquels les élus de la nation devront faire face, sauf à trahir leur mission. J’entends dire, ici et là, que peu de personnes seront au final concernées par cette mesure d’égalité et qu’il n’y a donc pas de quoi en faire un drame ; j’entends également, comme en 2013 au plus fort du débat sur la loi Taubira, qu’il s’agit là d’une loi qui élargit des droits sans rien enlever à personne. Pour être souvent sincère, ces propos n’en sont pas moins mensongers. L’énumération des questionnements qui précède suffit à prouver qu’une certaine conception de l’égalité des droits peut conduire, à plus ou moins longue échéance, à des basculements sociétaux dignes du Meilleur des mondes.

La solidarité n’est pas une bonne raison d’être pour

Que l’on me permette de terminer ce billet par une adresse toute particulière à mes amis homosexuels.

J’ai pour vous estime et affection. Je sais la souffrance qui a pu être la vôtre – et qui parfois demeure – à vous sentir rejetés, méprisés, dans une société qui a longtemps considéré l’homosexualité comme une dépravation ou une maladie. Je sais, comme journaliste, les témoignages d’amour et de fidélité posés par nombre d’homosexuels au plus fort de l’épidémie du sida, lorsque leur compagnon ou leur compagne à l’agonie voyaient leurs propres familles se dérober.

Je suis heureux que la conjugalité homosexuelle soit reconnue par la loi et fasse aujourd’hui la quasi-unanimité dans notre pays. Vous le savez, et nous en avons parfois âprement débattu, j’étais hostile à la loi Taubira parce que, par le biais du mariage, elle ouvrait un « droit à la filiation » qui nous met face à des enjeux éthiques majeurs, même s’ils concernent également les couples ou les personnes hétérosexuelles.

Je sais, parce que j’en ai eu parfois la confidence, que votre soutien à ces revendications d’égalité des droits est, pour nombre d’entre vous, une question de principe, une forme de solidarité envers la communauté homosexuelle. Alors même que vous reconnaissez n’être pas personnellement concernés.

Aujourd’hui, je vous demande, au nom de l’amitié, d’oublier un instant toute forme de communautarisme, de redevenir simples citoyens de ce pays et de répondre librement et en conscience, avec nous, avec moi, avec les élus de la nation, à l’ensemble de ces questions dont la portée dépasse de beaucoup la simple reconnaissance à laquelle vous aspirez et avez droit.

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