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PMA pour toutes: une révolution française

En finir avec notre héritage


PMA pour toutes: une révolution française
Service de procreation medicalement assistee a la Clinique Pierre Cherest. Neuilly sur Seine © Julie Limont / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le projet de loi de bioéthique et la PMA pour toutes ont été votés en deuxième lecture à l’assemblée, en catimini, vendredi dernier.


« C’est une émeute ? Non, Sire, c’est une révolution. » On connaît cette réponse célèbre du duc de La Rochefoucauld-Liancourt à Louis XVI. Nous y sommes. En finir avec l’héritage greco-romain et chrétien, c’est ce que la novlangue appelle « un changement de civilisation ».

Et d’abord, en finir, dans notre langue, avec l’héritage du latin. Aux féministes de s’en charger « parce que les stéréotypes masculins, terreau du sexisme, sont profondément ancrés dans notre société et s’expriment dans le langage et la grammaire. » D’où l’ambition de la linguiste Eliane Viennot : créer l’égalitarisme de la langue, non pas en la féminisant mais en la démasculinisant. Nuance ! comme aurait dit Arletty de son ton inimitable. Donc, en attendant de s’attaquer au disque dur de la grammaire, héritée du latin, on déracine et idéologise les mots. Et comme ce ne sont pas les mots, d’origine arabe, de fruits et légumes, ni germaniques (comme le mot guerre) qui changent quelque chose au fond lexical du français, il a fallu user de la force. Le pas politique fut franchi avec l’écriture inclusive (à manier, cependant, avec discernement, dit notre « professeuse ») dans les universités, les mairies, en attendant les lycées. L’Académie Française a eu beau rappeler, depuis 1984, que « la langue n’est pas un outil malléable et utilisable, modifiable au gré des désirs et des projets politiques » : en vain. Après « la réforme de l’orthographe », venue du Canada où le français se meurt, même au Québec, notre langue est confrontée au danger mortel qu’est « l’algue verte » de l’inclusive, selon la qualification heureuse de Sébastien Bataille dans son article de Causeur.

Pourtant, en novembre 2017, le Premier ministre, fidèle à l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, toujours en vigueur, avait fait une mise au point bannissant l’écriture inclusive des textes émis par le gouvernement. Mise au point aucunement relayée par les médias. Et pour cause ! C’est ainsi que la mairie de Lyon a imposé récemment l’inclusive, suivie par d’autres mairies. Or, cette révolution politique – les maires contre le pouvoir central – vient d’un protocole européen, imposant aux pays membres de l’Europe, la féminisation de la langue. Et, bien évidemment, c’est dans les facultés que règne en tyran, depuis longtemps, l’inclusive, avec l’indigénisme, le tout surfant sur la vague écologiste.

Après la langue, c’est le droit romain qui est touché en plein cœur avec les lois sociétales. Avec les lois sur la filiation, c’en est fini du « mater semper certa est » et de la présomption de paternité qui fondait le droit sur la raison et la vraisemblance. Fini, également, « l’intérêt supérieur de l’enfant », mots bannis de l’hémicycle. Là encore la directive vient de Bruxelles, quand, le 13 janvier 2017, le président de la Cour de cassation a fait allégeance au président de la Convention de la Cour européenne des droits de l’homme.

Les clusters du progressisme

Dans la culture, l’héritage humaniste s’est perdu au profit du métissage auquel sont promises, selon Jacques Attali, l’Europe et donc la France. Des intellectuels y ont prêté les mains en fantasmant l’influence arabe dans l’Occident par l’apport de traductions des philosophes grecs. Tout juste si le français ne viendrait pas de l’arabe ! Et si la philosophie grecque n’était pas née en Andalousie ! Dans les lycées, l’humanisme est remplacé par une « culture » anglo-saxonne masquant une méconnaissance navrante de nos grands auteurs classiques. Or, connaître ses classiques, c’est saisir les idées à leur source. En même temps, avec la fin de cet enracinement latin, s’impose le globish qui, rappelons-le, n’est aucunement l’échange naturel des langues entre elles mais l’intrusion systématique de mots anglais, avec une simplification de la syntaxe. Fi de la loi Toubon : on se gargarise du mot cluster.

Que dire de l’héritage chrétien ? Il paraît en péril. Sauf que les églises ont beau brûler et les enfants ne plus être baptisés, l’héritage nous tient aux racines. Si le catholicisme subit une crise – ô combien sévère ! – il n’est pas mort. Là, encore, c’est le catholicisme romain, fondé sur les apôtres, Pierre et Paul, qui vacille, avec une tentative tortueuse, venue du cœur de l’institution, de protestantisation des dogmes, mâtinée de Deep ecology.

C’est à l’Assemblée que se perçoit cette atmosphère révolutionnaire, où fut voté, à trois heures du matin, dans la nuit de vendredi, un programme éthique délirant, qui touche au cœur de notre humanité. Dans l’hémicycle, on n’avait que le mot « amour » à la bouche (Olivier Véran), et Dupond-Moretti : « le mariage n’est plus le mariage à la Napoléon mais repose sur l’amour. » Remarque significative d’une révolution, dans la bouche d’un juriste, puisqu’avec Napoléon, le mariage était fondé sur le consentement. Décidément, que le consentement exclue l’amour est une « idée neuve » en France mise au service de toutes les causes ! Sauf que, dans cette nursery qu’est  devenue la Chambre, on a oublié d’évoquer la rivalité d’ « amour » maternel que va susciter, au sein du couple des deux mères, la mère allaitante. Nul doute que le garde des sceaux n’ait une réponse ad hoc.

Catalogue de transgressions

Révolution, cette réforme de la filiation ? Ou « formidable bordel », pour reprendre le titre d’une pièce de Ionesco ? On hésite. Serait-ce que la cause est mal défendue depuis que la tribune ne résonne plus des grandes voix de Mesdames Schiappa, Belloubet et Buzyn ? Seul Monsieur Touraine déroulait un catalogue irréel de transgressions. Etrange atmosphère.

Le garde des Sceaux, on l’attendait. On ne fut pas déçu. « Ce n’est pas la GPA qui s’invite dans le débat. Elle s’est invitée dans notre époque et dans notre société qu’on le veuille ou non. » Qu’en termes juridiques ces choses-là sont dites ! Et quand s’invitera « le trouple » ? À Thibault Bazin dénonçant, vendredi, « les jeux de faux semblants » du gouvernement concernant une GPA faite à l’étranger, le garde des Sceaux répondit : « Vous voudriez qu’on interdise à des Français d’aller à l’étranger ? » Sans parler de raisonnement, on cherche l’étincelle de l’éloquence. Peut-être est-il impossible de relever le challenge d’une cause, vraiment indéfendable ?

Something is rotten in the States of Danemark. On connaît cette phrase de la pièce d’Hamlet, souvent citée pour qualifier la décadence européenne. Avant d’enterrer le Code civil napoléonien, souvenons-nous qu’après 16 ans de suppression, le calendrier romain (grégorien) a été rétabli, le 1er janvier 1806. Et que la paix civile est le bien le plus précieux d’un pays.



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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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