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GPA: l’esclavage en libre accès


GPA: l’esclavage en libre accès
Source : pexels.com

Pas un jour sans un procès pour statuer sur le sort des chimères de deux femmes ou de deux hommes. La Cour de Cassation vient de se prononcer en faveur de l’adoption par « le parent d’intention » d’enfants nés d’une GPA à l’étranger. Dans Libération, en date du 5 juillet, un doctorant de l’EHESS nous apprend que les homosexuels « ne vont pas attendre qu’on leur donne l’autorisation de procréer ». Libres qu’ils sont, disent-ils, de disposer de leur corps, « ils seront pères quoi qu’il arrive ». Le droit de ne pas être esclave et d’avoir accès à sa filiation, qui, dans le brave peuple, s’en soucie ? Dans une interview donnée à RTL, en juin 2015, Sylviane Agacinski avait dénoncé haut et fort cet esclavage né du nouveau commerce procréatif.

Le château de Barbe-Bleue

Nous avons nos cours de justice : la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour Indépendante des Droits de l’Enfant. La CEDH, c’est l’invention de l’Europe moderne. C’est le château de Barbe-Bleue, avec ses enfants fantômes et ses chambres interdites, et le Procès de Kafka, avec son labyrinthe. La bureaucratie et le fantastique : une épée de Damoclès. Comme dans un film d’Orson Welles, les Juges  nous assignent devant leur estrade, les mains devant notre sexe. Et nous tremblons d’être dégradés comme par des agences de notation. Qui dira haut et fort que cette cour martiale n’a pas valeur contraignante ? Fiers de les  avoir inventés, ces droits de l’homme (même s’ils viennent de bien plus loin que les Lumières), nous, Européens, étranges prosélytes, nous les brandissons lors même que nous les violons. C’est que nous avons créé une nouvelle loi, universelle : celle du Marché, avec ses droits illimités. A ce Moloch, la Cour elle-même obéit. Et Mammon d’avancer en toute liberté à pas de géant, sur les terres que nous lui offrons Nous inventons des droits fantômes pour mieux donner à l’Ogre sa chair fraîche.

Enfants perdus de la République

Car enfin, où sont-ils ces prétendus « enfants fantômes de la République » ?  Ils ont un père et une mère comme vous et moi. Dans Libé, les homosexuels arguent qu’il y a des enfants non voulus, martyrs, nés de parents alcooliques, irresponsables, pour justifier leur prétention à la paternité. Certes !  Mais quel rapport avec « le droit à la procréation » ? Légitimer le mal sous prétexte qu’il se commet autrement et ailleurs, « chez nos amis danois ou saxons », cela s’appelle la fraternité dans le mal.  Pendant ce temps nos édiles, dans la bonne tradition des philosophes du XVIIIème siècle, lesquels avaient des actions dans la Compagnie des Indes, commémorent l’abolition de l’esclavage en déposant leur gerbe annuelle au pied de la statue de l’esclave inconnu. Car il n’est pas possible , pour reprendre Montesquieu dans un passage de l’Esprit des Lois ( livre 15), que nous supposions que des femmes allongées, aux gros ventres,  dans des dortoirs indiens, soient des êtres humains car, si nous le supposions, on commencerait à croire  que nous ne le sommes pas nous-mêmes.

Légal n’est pas (toujours) légitime

Mais si le peuple, n’est pas, dira-t-on, vent debout contre des lois scélérates à venir, c’est qu’il n’est plus en alerte. Sonnons-la, donc, cette alerte !
Les droits de l’homme reposent sur la distinction entre le droit naturel et le droit positif. Et ne disons pas que cette distinction n’était valable qu’au temps des Lumières. Ce droit réel n’est pas forcément juste, il peut être inique. La preuve : il a autorisé l’esclavage, les lettres de cachet, la torture, la peine de mort. La preuve : l’Europe du XXIème siècle, patrie des droits de l’Homme, s’apprête à légaliser l’esclavage. La légalité ne se confond donc pas avec la légitimité et le droit positif peut et doit être critiqué au nom d’un droit  juste : le droit naturel, un droit rationnel. Ce droit est juste parce qu’il respecte les droits naturels de l’homme, inhérents à sa nature essentielle, inviolables, un droit qui garantit la liberté. Une loi injuste peut donc être détruite tout comme elle a été construite. L’être humain n’est pas un objet commercialisable pas plus  que de la chair à canon. On n’encadre pas des pratiques infâmes.

La loi, arme de destruction massive?

Le droit ne doit pas devenir une arme de destruction avec l’aide de la science. Cessons de distiller cette idée folle que la  PMA pour toutes met fin à une « discrimination » et qu’il y a une GPA « éthique ». Nommons les choses pour ne pas ajouter à la misère du monde : ce micmac procréatif honteux s’appelle l’esclavage. Il prospère sur cette misère du monde. Bientôt il règnera dans nos démocraties au nom du droit positif. Considérons la ferme des Mille Vaches. Regardons les dortoirs  indiens pour femmes aux gros ventres. Comparaison, ici, vaut raison. N’acceptons pas que des femmes ne puissent pas toutes danser la danse des Vaches. Ou qu’il y ait ailleurs une GPA chic et chère sur catalogue au papier glacé.

Un marché pour tous

Si on en est arrivé là, c’est qu’un puissant courant de pensée travaille l’Europe depuis une trentaine d’années. Un nouvel ordre  mondial fondé sur le marché libéral, dit-on élégamment – veut en finir avec une civilisation judéo-chrétienne qui a imposé depuis vingt siècles une certaine idée de l’être humain. Google est là pour créer un homme nouveau. Le temps est venu d’un marché ouvert à toutes, à tous, à tout. A ce nouvel ordre mondial, la France résiste. N’en déplaise aux observateurs du Bien, ce n’est pas l’homophobie qui a jeté des millions de Français dans les rues il y a cinq ans. Ils savaient, ces Français sous-évalués, conspués, que le mariage accorde à ceux qui se marient tous les droits inhérents au mariage, au nom de l’égalité inscrite aux frontons de nos mairies.

Clovis, au secours!

Il y a vingt ans, un historien français, Michel Rouche, écrivit un livre très intéressant, Clovis, sur ce général de l’armée romaine  qui institua, au VI è siècle, un ordre nouveau, en Gaule et en Europe. Rouche  y étudie la tanistry, phénomène bien connu dans les sociétés dites primitives du mode de succession. « Au commencement est la mère : c’est le ventre de souveraineté », la famille large dominante, opposée au couple monogame. « La paternité n’est qu’un lien parmi d’autres, charnel ou symbolique. La tanistry est rebelle à toute osmose avec la romanité ». A cette coutume germanique  Clovis tourne le dos par son baptême et son mariage. Gardant de Rome le meilleur, il donne un sang neuf à l’élite gallo-romaine. Se souvient-on de la polémique de 1996 parce que le Pape Jean Paul II vint célébrer le cinq centième anniversaire du baptême de Clovis ? La presse française fut vent debout contre cette visite, pastorale, faut-il le souligner ? Au moment du mariage pour tous, les journalistes rappelèrent la mémoire funeste de ce Roi, d’un Pape et  de l’histoire d’un peuple.

Le père évincé de la famille

Il y a bien analogie entre la tanystrie et les nouvelles lois touchant la filiation. Cela fait longtemps que le père est évincé de l’idée de famille. Finie la notion d’ « infans conceptus » du droit romain. Jusqu’où ira-t-on dans les monstruosités juridiques, au sens propre, c’est-à-dire qui sortent de l’ordre de la nature ? Tocqueville parle de la propension d’un peuple démocratique à incliner vers le panthéisme, à cause du changement continuel de tout ce qui l’entoure et le compose. Sauf que « l’être immense qui le compose » revient aux formes les plus archaïques de nos pulsions et de nos désirs. L’Europe baigne dans la deep ecology financée par des lobbies, qui a main mise sur la vie à tous les stades de son développement et fait main basse sur le vivant. Le Vatican n’est pas épargné par ce mouvement tout puissant. La façade de Saint-Pierre a été illuminée cette année par des images de zoo pour fêter la journée mondiale de l’écologie, financée entre autres par la Banque Mondiale.  Vient d’ailleurs d’être créé un dicastère sur « le développement intégral de l’être humain ».

L’homme n’est pas un animal comme les autres

« Où es-tu, Adam ? » dit le Dieu de la Genèse à l’homme qui s’égare. Le christianisme met l’homme au sommet de la Création. Kant écrit que « l’homme existe comme fin en soi mais non comme simple moyen ». Nous savons que l’homme n’est pas une espèce comme les autres. Nous avons beau le ramener au niveau d’un primate, exulter de joie à l’idée de ressembler à un singe, nous exaltons notre singularité. Les philosophes nous disent que l’homme est un « animal » religieux. A défaut de Dieu, en effet, il se  crée des idoles en s’idolâtrant lui-même. Mais il faut reconnaître que notre époque fait fort dans la transgression. On s’y met à plusieurs pour faire un être humain. On déterre un homme ( Dali) pour son ADN. Mais les mythes de notre temps nous renvoient aux idoles les plus archaïques : la Terre Mère, Moloch. En attendant, sur notre Olympe, deux dieux, Jupiter et Hermès, travaillent pour nous. Que Jupiter se souvienne  du temps où il était Zeus et remette un peu d’ordre dans les luttes de nos titans intérieurs.

Inséminer moyennant business

L’être humain sera toujours capable du pire. Mais il est en son pouvoir de ne pas légaliser la barbarie. Le comité national d’éthique a donné un avis mi- chèvre mi- chou sur la PMA. Ne nous contentons pas de la bannière flottante : «  Un papa et une maman, y a pas mieux pour un enfant » ni de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». L’Eglise tient un discours étonnamment frileux sur la PMA qu’elle acte par peur d’être en retard sur le discours ambiant. Un Monseigneur n’invoque-t-il pas récemment, parlant de la PMA, le bien sacrifié de l’enfant aux désirs de l’adulte… et le risque de la primauté de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif ? Il ne voit pas « forcément de violence faite à une tierce personne adulte  dans l’AMP proposée aux couples de femmes ou aux femmes seules », seulement à l’enfant privé de père. Révérence gardée, sans doute tient-il la chandelle quand se fait l’insémination moyennant business ? Il n’est pas sans savoir que Mammon est le Roi du monde. Que l’Eglise garde sa distance et retrouve une parole à hauteur d’homme. Les droits de l’Homme sont un et indivisibles. Rendons-les de nouveaux efficaces et actifs. Que la France organise des J.O. des Droits de l’Homme dont elle serait la championne. Ce serait la peine d’avoir un ministère de l’égalité entre hommes et femmes, à l’Assemblée, et d’accepter le racisme et l’orphelinat d’Etat ! On s’étonne d’ailleurs que certaines dénominations animalières, comme PMA et GPA, ne soient pas proscrites au nom du principe de non discrimination.

Un peu de dignité…

Faudra-t-il accepter demain que soient tatouées sur les bras de nouveau-nés ces initiales et  des chiffres : « SVT 2017 » ?  Dans la Critique de la Raison pratique, Kant rattache sa dignité à deux choses : « La loi morale dans mon cœur et le ciel étoilé au-dessus de moi. »  Monsieur le Président, vous qui avez été l’élève de Paul Ricœur, pourrez-vous résister au désir de promouvoir cette dignité-là pour tous ?  Refusez, oui, refusez, Monsieur le Président, ce commerce des sexes et des ventres. Dites non à ce nouvel esclavage !  De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace !

Critique de la raison pratique

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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