Quatre ans après le mariage pour tous, Élisabeth Schemla a rencontré homosexuels – militants ou non –, intellectuels, responsables politiques et religieux pour faire le point sur les débats autour de la PMA et de la GPA. De cette enquête passionnante, la journaliste a tiré un essai, Les homos sont-ils des hétéros comme les autres ? (Éditions de l’Observatoire, sortie le 11 octobre) dont Causeur publie les bonnes feuilles.
Ma démarche
Cet ouvrage est en quelque sorte un dû. Ici, à propos de cette question décapante : « les homos sont-ils des hétéros comme les autres ? », j’ai choisi de faire un saut dont les lectrices et les lecteurs jugeront de l’intérêt. En triant entre les anecdotes inutiles ou indiscrètes et celles instructives et pertinentes, j’y ai mis l’histoire personnelle.
C’est ainsi : je n’ai jamais été dissimulée ni exhibitionniste. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai « assumé », comme on adore dire aujourd’hui, et cela depuis le début de mon existence, qui remonte maintenant à assez loin. Je crois pouvoir affirmer que, bien avant le sida, bien avant que l’homosexualité ne devienne un phénomène de société pour unes de magazines et textes de loi, j’ai eu la chance d’avoir en moi la force d’écrire ma vie telle quelle – parents, amours, enfant et petits-enfants de cœur –, contre vents et marées, c’est-à-dire contre tous ceux qui s’y opposaient ou tentaient de le faire, si bien qu’ils y ont renoncé et ont fini par tolérer. Je n’ai connu du coup aucune sorte de « plafond de verre », je ne dois mes limites qu’à mes propres empêchements.
A lire aussi: PMA/GPA: l’enfant pour tou·te·s est arrivé!
Il m’a semblé que cela pouvait être un atout de tresser ensemble les récits que j’ai sollicités, toujours au cœur, et les miens ; de les inscrire dans la chronologie de la vie elle-même, de l’enfance à l’âge ultime, celle des saisons, trame inattendue pour moi-même qui m’a paru enfin la plus juste. J’ai en effet la certitude qu’ainsi abordés, outre les homos, ils toucheront aussi par l’intime, dans le secret du corps et de l’âme, chaque femme, et chaque homme dans lesquels réside le masculin-féminin. La trame la plus juste pour mieux faire comprendre des évolutions, entendre les blocages, contribuer je l’espère à un nécessaire apaisement. Avec la liberté de regard et de ton dont je ne pense pas pouvoir me départir. Ainsi, ce livre est un livre d’expérience.
Mariage et enfants pour tous
Et si le mariage pour tous avait mis en place un piège pour tous ? Très inspiré par le religieux – au début de ce livre, j’en ai rappelé les articles concernés –, ce contrat civil inclut explicitement les enfants, la façon de subvenir conjointement à leurs besoins matériels et leur éducation. Dès lors que deux homos peuvent se marier, adopter, les quelques milliers de garçons et de filles nés par PMA ou GPA ne peuvent bien sûr rester à l’état de « fantômes de la République ». Mais leur nécessaire légalisation induit forcément, tôt ou tard, la légalisation des méthodes qui ont permis de les faire venir au monde. Prétendre le contraire relève de l’hypocrisie. En rêver est anachronique. Au nom de quelle logique continuerait-on à interdire la procréation artificielle pour toutes et tous ? La problématique est identique à celle que nous avons connue à propos de l’avortement, à ceci près qu’aujourd’hui la vie est en jeu et non la mort, nuance capitale. Dans les deux cas – supprimer en un quart d’heure un embryon ou porter pendant neuf mois celui d’un donneur inconnu ou pour autrui –, les femmes exercent en pleine conscience la liberté de leur corps. L’affaire ne concerne pas que les homos, très loin de là. Elle engage chacun. Cependant, le mariage, qui la portait en germe, en a bel et bien fait une affaire homo. Les associations LGBT et homoparentales, un lobby gay surtout parisien relayé par la gauche, savaient pertinemment ce qu’ils enclenchaient. S’ils n’avaient pas eu d’arrière-pensées concernant la légalisation de la PMA
