Les Etats généraux de la bioéthique ont été réunis pour préparer un projet de loi. De Hollande à Macron, les partisans du « progrès » sont lancés dans une guerre d’usure qui finira, tôt ou tard, par imposer la PMA, et donc la GPA.
Les Etats généraux de la bioéthique sont ouverts jusqu’au 7 juillet prochain. « Ethique » veut dire « réflexion relative aux conduites humaines et aux valeurs qui les fondent, menée en vue d’établir une doctrine, une science de la morale ». « Bio » veut dire « qui concerne la vie » (sourions, au passage, du caractère scientifique de la morale). Dans l’Ancien Régime, les Etats généraux, c’était la réunion des trois ordres du royaume. Dans notre cas, il s’agit d’une vaste concertation citoyenne, organisée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) « pour les sciences de la vie et de la santé » concernant des sujets de société sur lesquels celle-ci a pu évoluer.
Vers une nouvelle loi « de bioéthique »
Cette vaste concertation doit nourrir le projet qui sera finalisé à l’été 2018 – avant un débat au Parlement à l’automne – d’une nouvelle loi « de bioéthique », prévue pour le premier semestre 2019. La PMA pour couples de femmes et de femmes seules, pour laquelle le CCNE (aux membres renouvelés, il faut le rappeler, par l’ancien président Hollande) a donné un avis favorable, est en première place des thèmes abordés, ainsi que la fin de vie. Cette concertation nationale, déclinée en régions, s’adresse donc à tous les citoyens : médecins, experts, jeunes et vieux, avec des débats dédiés aux étudiants et aux lycéens. Ces contributions, synthétisées par le CCNE, seront transmises à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST, pour les initiales, il faut suivre…).
La politique des petits pas a fait long feu. Depuis 2013, le « timing » est presque parfait. Le peuple enfumé est devenu indifférent à la gestation législative. La novlangue aidant, en tout et pour tout, la révolution en marche arrive au seuil d’une étape décisive. Marlène parle, on le sait, comme l’Esprit Saint, à temps et à contre temps : c’est dire l’efficacité. Après un moment d’exaltation, elle a eu raison de tweeter récemment la patience : il faut laisser du temps au temps. Tout serait plié ? Que non ! La référence implicite à la Révolution française est essentielle. Tout comme le tempo des réformes – celui du Sacre du Printemps – sur lequel travaille la CEDH depuis longtemps. Rien n’a changé, en France, depuis 2012. Mais tout avance au rythme voulu…
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »
Grâce à la Chambre En Marche, on fourguera la GPA avec la PMA, par un tour de passe-passe, en les distinguant, alors qu’elles sont liées, sous couvert (dernière étape) de ces « Etats généraux de la bioéthique. » C’est que cela impressionne, cette expression ! On ne parle plus de morale ni du bien ni du mal mais d’éthique ! Dans le cas présent, c’est une telle révolution éthique qu’on en reste bouche bée. On intoxique le citoyen à force d’initiales et de titres intimidants. Dans les médias, on assourdit, anathématise, assomme, on fait croire à une guerre de modernité (progressistes contre vieilles charrues), et le tour est joué. Enfin… pas encore.
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Le candidat Macron avait mis l’extension de la PMA pour couples de femmes à son programme : c’est ce qu’a clamé haut et fort, le 12 septembre, Marlène Schiappa sur BFM TV. « En même temps », le président avait donné le ton, en restant dans le flou « du débat apaisé » : quel oxymore ! De fait, il n’a jamais parlé que « d’un engagement de méthode », même si lui-même se disait personnellement favorable à la PMA pour couples de femmes. Ô ces deux corps du roi ! Tout se joue encore dans les « en même temps » : les entre temps qui demandent du temps pour fatiguer, lasser, user, rendre insignifiant, banaliser. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », a écrit La Fontaine avant Marlène. Or, les professeurs Frydman et Testard, l’un dans une tribune du Monde, signée entre autres personnalités, par Sylviane Agacinski ; l’autre à la radio, ont lancé une alerte sur les limites auxquelles on était arrivé. Ce n’est pas vers un avenir radieux que nous allons avec la PMA et la GPA pour tous. On parlait autrefois de l’amour vénal. Rien n’a changé. Ne dites pas que j’hystérise. Regardez sur Internet : les prix et les échantillons sont là. Rien n’arrête la marche du Progrès.
« Aux papas inconnus la patrie contrite. »
L’éthique, c’est l’opium du peuple. Parlons vrai et non par initiales majuscules : PMA, GPA, éthique ou pas. Le professeur Testard, lui-même, parle de « système vétérinaire » et nous dit qu’on s’insémine soi-même facilement. Quand je demande à des amies, mères ou jeunes grand-mères, si leur petit-fils ou leur petite fille « sont des PMA ou des GPA », j’entends des cris d’orfraie ! Etrange, non, pour des femmes « en marche » ! Ayons au moins ce courage-là : ne nous défilons pas. On aura beau jeu de commémorer plus tard, dans la repentance annuelle, une statue : « Aux papas inconnus la patrie contrite. »
Dimanche, dans l’émission « Droit de Suite » intitulée « Bébé pour tous : quelles limites ? » sur LCP, était réuni un gratin d’experts dont Madame Martine Gross, une « ingénieure » de recherche au CNRS, « chercheure » et « docteure » en sociologie ; une journaliste, réalisatrice du film au programme, Madame de la Rochère ; et Monsieur le professeur Touraine. Dans la discussion, courtoise à couteau tiré (oxymore pour notre président), un sommet cocasse fut atteint par Monsieur le Professeur Touraine. Pour accréditer la PMA/GPA dont il est partisan, notre professeur donna en exemple (très en amont !) la naissance d’Ismaël sur les genoux de Sarah, né de sa servante Agar. Cet exemple, très mal venu, desservait, hélas, la thèse du professeur : on peut même parler de contre exemple ! En effet, Ismaël, né d’Agar la servante, n’est pas l’héritier d’Abram devenu Abraham. Ce sera Isaac, né de sa femme Saraï devenue Sarah. Ismaël n’est donc pas l’héritier de la bénédiction de Yahvé. L’alliance se fait avec Isaac que Sarah conçut naturellement… et merveilleusement dans sa vieillesse. Comme quoi, il est préférable de toujours bien connaître ses sources avant de les citer (il faut dire que ces recours aux récits imagés de la Bible sont toujours très délicats à exploiter dans le sens qu’on désire : mieux vaut les laisser aux spécialistes de l’histoire des religions.) ! Quoi qu’il en soit, nos débatteurs étaient quand même prudents. Exit « la GPA éthique », n’en déplaise à Madame l’ingénieure. Comme les résultats des PMA et des GPA ne sont pas performants, on pouvait conclure de ce débat que la meilleure solution aux infertilités serait les greffes d’utérus et bientôt la commercialisation de l’utérus artificiel. A suivre, donc.
Pas d’enfumage sans feu
En suivant ces interminables et répétitifs « débats sociétaux » qui n’ont jamais été traités équitablement, honnêtement, loyalement dans les médias télévisuels qui faisaient d’entrée de jeu des procès de mauvaise intention aux opposants de cette nouvelle filiation nouvelle, et, à présent, dans le cadre de ces « Etats généraux de la bioéthique », on comprend parfaitement que, si ce qui intéresse les scientifiques c’est tester ce qui est possible et faisable sur la matière humaine (avec les meilleurs intentions du monde, cela va sans dire), pour les idéologues c’est faire une révolution. On en revient toujours à la même injonction: « Du passé bimillénaire faisons table rase ! », fût-ce au prix de l’absurde et du malheur. Ah ! Si après le « mariage pour tous », on pouvait dater l’ère d’une nouvelle humanité ! Avec une nouvelle fabrication de l’homme ! Une nouvelle filiation ! Après moi, le Déluge ! Magnanime et raisonnable, le professeur Touraine dit que l’idéal était de ne rien imposer mais d’avoir le choix. Que choisir ? Bonne question !
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Un mot, enfin, des sondages pour faire pression sur l’opinion, aussi imprécis qu’insistants que déterminants qu’indécents que mensongers. Une loi de « bioéthique » dépendrait-elle de l’opinion ? Non, bien sûr… N’empêche, qu’à la longue, le peuple est influencé et ne sait plus que penser. Il se dit qu’il ne suit plus le mouvement. Tu dis quoi, toi ? Tu as vu le sondage dans La Croix ? Dans Libé ? Tu penses quoi, toi ? L’IFOP dit, tel jour, que 2/3 des Français sont favorables à une mère porteuse. En même temps (décidément c’est l’accord parfait), 18% le sont dans tous les cas, 46% seulement pour des raisons médicales. Ce qui exclut les couples homosexuels. Ce qui n’empêche pas un autre sondage de dire que « la majorité des Français est pour… la PMA ». Quand cessera l’enfumage ? Jamais !
Les Etats généraux précèdent la Révolution
Laissez faire les excités bien connus et affichez vos bébés Cadum, a récemment tweeté, en substance, Marlène. Un peu de patience, les filles ! Et toi aussi, mon garçon ! C’est vrai que vous vivez une épreuve mais ce n’est rien en comparaison du bonheur à venir avec les lois en gestation. Parlons net. Une fois acceptée la PMA (et son combat du combattant), au nom de quoi peut-on refuser la GPA ? Au nom de rien du tout. Ce n’est donc pas la peine de perdre du temps et de nous embrouiller. Un peu d’efficacité ! Ne faudrait-il pas mieux préparer une loi levant l’anonymat du donneur afin que tous aient accès à leur filiation (un droit, non ?), et lancer une campagne pour que le don de sperme soit plus abondant et lucratif ? – « Le sperme pour tous » : en voilà une campagne juteuse à faire ! – Et condamner la Nature par contumace à ses dépens. Et, par la même occasion, imposer le contribuable par un impôt de solidarité.
Concluons. De trois choses l’une : à la fin des Etats généraux, « si l’opinion n’est pas prête » on prolonge la gestation législative pour un temps indéterminé. Deuxième possibilité : certaines associations réactionnaires jouent les zadistes à Paris. Troisième voie : le vote passe. Bonjour les dégâts !
Être chef d’Etat, c’est ne pas prendre de risques inutiles. Etre chef d’Etat, c’est décider. C’est être responsable devant sa conscience et comptable devant l’Histoire. Emmanuel Macron le sait. Nous sommes à une croisée des chemins. Cette question de la fabrication de l’être humain et de la filiation ne relève pas de la droite ni de la gauche lesquelles, d’ailleurs, on nous le répète assez, n’existent plus. Ce n’est aucunement un affrontement politique. Il n’est pas moral d’accuser d’homophobie ceux qui ne sont pas d’accord avec ces nouvelles lois. Les « décideurs » le savent. C’est un tsunami de la conscience morale. Certes, l’histoire humaine en a connu, des idéologies. C’est au chef d’Etat d’éclairer les consciences s’il le faut- et il le faut dans cet état de confusion générale – et savoir trancher avant qu’il ne soit trop tard.
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