(Avec AFP) La procréation artificielle sans raison médicale est désormais légale à une seule condition : qu’elle s’effectue à l’étranger, dans un pays où le procédé n’est pas réservé aux situations d’infertilité pathologique, comme c’est le cas chez nous. C’est ce que nous apprend l’abracadabrante décision de la Cour d’appel de Versailles, qui vient d’accorder à quatre couples de femmes l’adoption d’enfants conçus par PMA à l’étranger.
Traduction : n’importe qui peut désormais se faire fabriquer un bébé à la demande, pour l’adopter ensuite. Et s’épargner ainsi les affres de la copulation. Bien pratique pour nos copines lesbiennes, enfin libérées de cette contrainte naturelle dégoûtante, et odieusement discriminatoire !
« Mes clientes sont très soulagées et très heureuses après un an et demi de procédure de voir que la famille qu’elles constituent et leur fille sont légalement protégées », a tranquillement commenté Me Caroline Mecary, militante LGBT radicale et avocate de l’un des quatre couples.
On notera l’intéressante logique selon laquelle un enfant serait moins protégé lorsqu’il a accès à ses origines biologiques… Et on se demande ce qu’en dirait Adeline Renou, jeune maman à l’origine d’un documentaire sur les personnes conçues, comme elle, par insémination avec donneur anonyme, qui « vit avec le fantôme de son donneur ».
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« Cet arrêt a aussi une portée symbolique : il vient clore la polémique sur la PMA et l’adoption. Désormais si toutes les conditions légales sont réunies, le mode de conception de l’enfant ne fera plus obstacle », a poursuivi Me Mecary. Autrement dit, suivant ce raisonnement : qu’un enfant sorte d’une usine à bébés africaine ou indienne ne devrait bientôt plus être pris en considération dans les procédures d’adoption.
Mais ce n’est pas le seul apport de cet arrêt, selon l’avocate : « Il pose aussi à nouveau la question de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes en France. Dans la mesure où elles peuvent adopter des enfants nés d’une PMA à l’étranger, il y a une espèce d’hypocrisie sur cette question. »
En effet, la loi Taubira sur le mariage homosexuel a ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, mais n’a toujours pas résolu l’épineuse question de la conception d’enfants sans père ou sans mère… Une « hypocrisie » dénoncée dès 2013 par nombre de défenseurs de la double filiation humaine, et que seule une réécriture de la loi permettrait de corriger en réaffirmant les grands principes du droit international en la matière.
L’Agence européenne des adoptés et la Manif pour Tous se sont élevées contre cette décision qui « encourage de fait une pratique illégale », selon cette dernière.
« L’adoption, c’est redonner un père et une mère a un enfant qui en a été privé par un aléa de la vie, ce n’est pas donner un enfant à un couple. En effet, il n’y a pas de droit A l’enfant : il n’y a que des droits DE l’enfant et le rôle de la justice est de les faire respecter », a estimé la présidente de La Manif Pour Tous, Ludovine de La Rochère, dans un communiqué.
Fin avril 2014, le TGI de Versailles avait rendu la première décision refusant l’adoption de l’enfant du conjoint dans une famille homoparentale au motif qu’il avait été conçu par PMA à l’étranger, ce qui constituait « une fraude à la loi ».
« Le problème n’est pas tant la fraude à la loi que le détournement de l’institution de l’adoption, avait pour sa part commenté la juriste Aude Mirkovic, auteur de PMA, GPA la controverse juridique (Pierre Téqui éditeur), citée par Le Figaro. Nous espérons qu’il y aura un pourvoi afin que la Cour de cassation se prononce sur cette question.»
La Cour de cassation a depuis été saisie par les tribunaux d’Avignon et de Poitiers pour trancher cette question de droit qui suscitait une « instabilité juridique », après des jugements contradictoires.
Dans deux avis datés du 22 septembre 2014, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a dû assumer les conséquences prévisibles de la loi Taubira : elle considère désormais que le recours à la PMA sans raison médicale, bien que toujours illégal en France, n’est « pas un obstacle » à l’adoption au sein d’un couple de femmes.
Désormais, le TGI de Versailles ne s’y oppose donc plus. « Depuis l’avis de la cour de cassation du 22 septembre 2014, nous sommes tenus d’accepter les adoptions homosexuelles d’enfants nés par PMA à l’étranger », a indiqué à l’AFP une source judiciaire.
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