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Plus belle la mort?

Un passeport sanitaire pour l’Hadès


Plus belle la mort?
François Hollande aux côtés des députés Jean Leonetti (à droite) et Alain Claeys (au centre), venus lui remettre leur rapport sur la fin de vie, palais de l'Elysée, 12 décembre 2014 © JACKY NAEGELEN / POOL / AFP

Au-delà du déni de la finitude humaine exprimé par le projet de loi sur la « fin de vie », on peut se demander comment le droit et la médecine pourront garantir le délicat et crucial équilibre entre liberté et dignité.


Proposer une loi sur la « fin de vie » à l’heure où les soignants s’épuisent à sauver les malades gravement atteints par la Covid-19 a bien quelque chose d’« obscène » (Marie de Hennezel) ou au moins d’inconvenant. Si « nous mourons mal en France » comme l’affirment d’entrée les rédacteurs du projet, à qui la faute ? Sûrement pas au seul fait qu’on n’ait pas encore légalisé l’euthanasie ! C’est un procès de civilisation qu’il faudrait engager, et devraient alors comparaître tous les acteurs de cette tragédie : déni de la finitude humaine et de la mort, éclatement de la famille, détresse des vieillards abandonnés dans des mouroirs, marchandisation des corps et des esprits, etc. Progrès de la médecine enfin qui, prolongeant  l’existence, réveille le vieux rêve d’immortalité de l’être humain, mais fait aussi de la fin de vie une impasse thérapeutique qui paraît justifier l’euthanasie : non plus la « bonne mort » (euthanasia) souhaitée par les Anciens épris de paix intérieure, mais une « aide active à mourir » encadrée par la loi et qui n’a dès lors plus rien de la libre mort privilégiée par le sage. « Si je me sais condamné à pâtir sans relâche, j’opérerai ma sortie, non en raison de la souffrance même, mais parce que j’aurai en elle un obstacle à tout ce qui est raison de vivre. Faible et lâche, qui a pour raison de mourir la souffrance ; insensé, qui vit pour souffrir. » écrivait Sénèque.

Pour justifier le passage légal de l’euthanasie passive (arrêt des soins ou administration de sédatifs pouvant entraîner la mort) à l’aide active à mourir par injection létale, les rédacteurs du projet s’appuient sur les lois Leonetti (2005) et Claeys-Leonetti (2016) qui ont déjà « attribué aux médecins, de manière individuelle et collégiale, la capacité de définir le moment où le patient est arrivé à la fin de sa vie et impose


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Mai 2021 – Causeur #90

Article extrait du Magazine Causeur




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est philosophe et essayiste, professeur émérite de philosophie des religions à la Sorbonne. Dernier ouvrage paru : "Jung et la gnose", Editions Pierre-Guillamue de Roux, 2017.

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