Le journaliste d’extrême gauche reproche à la réalisatrice son agressivité anti-Metoo et au festival de Cannes d’être complice de ce sacrilège. Le fondateur de Mediapart a choisi Variety pour répondre à la réalisatrice effrontée Maïwenn. Malin, le journaliste l’accuse d’être une anti #MeToo forcenée, ce qui est bien sûr très mal vu à Hollywood… « Cannes a choisi un symbole complètement fou comme sélection de sa soirée d’ouverture » s’est notamment indigné ce grand défenseur de nos amies les femmes auprès des Ricains.
C’est en train de devenir le feuilleton de ce printemps 2023, dans la rubrique « en voilà deux qui ne passeront pas leurs vacances ensemble ». Depuis quelques jours, la réalisatrice Maïwenn et le journaliste Edwy Plenel occupent l’espace médiatique. Elle, à Cannes, pour la sortie de Madame du Barry[1]. Lui, moustache toujours fièrement arborée[2], sur le site de Variety, magazine de référence du showbiz hollywoodien subitement passionné par les querelles du microcosme parisien (peut-être aussi parce que Johnny Depp joue dans le dernier film de Maïwenn). Entre les deux, une sordide affaire de cheveux tirés et de crachat au visage…
Grâce au magazine américain et à l’interview que lui a accordé Edwy Plenel, on en sait enfin un peu plus. C’est la fâcheuse manie de ce dernier à aller tripoter les fiches de police qui semble être au cœur de la bisbille. Maïwenn n’aurait pas tellement apprécié de voir les termes de sa déposition faite à la police lors de sa séparation avec Luc Besson ressortie à l’occasion d’une « enquête explosive » publiée par Mediapart, fin 2018.
Cinq ans après, et alors que l’affaire Besson a été classée sans suite depuis longtemps, Maïwenn – qui n’aurait jamais passé un coup de fil ou un mail de protestation entretemps – a saisi l’occasion d’une rencontre inopinée dans un restaurant pour s’en prendre au cuir chevelu délicat de Plenel. Lequel, dans sa plainte déposée, s’est dit « traumatisé par l’agression » ! C’est malin.
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Madame du Barry au cinéma, Madame Sans-Gêne dans la vie
Plus grave encore, selon Plenel, le fait d’avoir été l’objet de cette froide vengeance, cache un problème bien plus large : Maïwenn serait une anti #MeToo forcenée et couvrirait tout ce petit monde de cinéastes. Le crachat serait un acte politique pour protester contre le travail d’enquête de Mediapart sur les agressions sexuelles et le harcèlement dans l’industrie cinématographique. Il est vrai qu’en 2020, elle avait osé dire à Paris Match : « Quand j’entends des femmes se plaindre que les hommes ne s’intéressent qu’à leurs fesses, je leur dis : « Profitez-en car ça ne durera pas ! » » Madame du Barry au cinéma, mais Madame Sans-Gêne dans la vie, elle a aussi eu le culot de prendre Johnny Depp dans son dernier film, malgré les accusations de violences conjugales portées contre lui à l’époque du tournage, et pour lequel il a été absous.
Collages féministes: et Nabilla ?
« Cannes a choisi un symbole complètement fou comme sélection de sa soirée d’ouverture : un film de Maïwenn qui raconte l’histoire d’une courtisane en quête de pouvoir. La mythologie qui est mise en avant dans le film, couplée au casting de Johnny Depp, ses commentaires anti-#MeToo et maintenant cette agressivité dont elle semble être fière et qui fait rire les gens à la télé, ça veut dire quelque chose ». A Cannes, les néo-féministes vont dans le sens de Plenel. Elles se sont adonnées à leur loisir favori, le collage de rue, pour dénoncer la mise en lumière de l’acteur américain. « Sous le tapis la violence », « J’accuse l’homme, j’emmerde l’artiste », « Pouvoir, violence, souffrance, Cannes complice ». On les a moins entendues (en fait on ne les a pas entendues du tout), quand Nabilla a à son tour fait son apparition sur le tapis rouge de Cannes le samedi 20 mai. On se souvient partout de l’émotion suscitée en France quand un matin de novembre 2014, on apprit que la starlette de la téléréalité avait planté un couteau dans le thorax de son compagnon Thomas, manquant de lui ôter la vie. Ce dernier, moins rancunier que Maïwenn, épousa sa belle un peu plus tard.
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Edwy Plenel, l’oncle d’Amérique
Mais alors, pourquoi répondre à une interview si loin, en Amérique, dans un article en anglais ? Plenel raconte à Variety qu’aucun journaliste français n’aurait pris la peine de le contacter pour en savoir plus sur cette affaire de cheveux tirés. Cela en dirait long, selon lui, sur l’ambiance médiatique qui règnerait en France. Le petit monde du cinéma, dans l’hexagone, verrait quant à lui d’un mauvais œil le travail de sape de Médiapart, entravant sa liberté de création. Sans reprendre la vieille antienne mitterrandiste selon laquelle Edwy Plenel serait un agent de la CIA, le patron de Médiapart a certainement voulu se chercher de l’autre côté de l’Atlantique quelques alliés. En France, quand les vagues #MeToo, Black livesmatter et autres monstruosités woke ont déferlé, quelques voix se sont élevées contre l’air du temps, un peu plus qu’ailleurs. Dès janvier 2018, un collectif de cent femmes signait une tribune (Catherine Deneuve, Catherine Millet et Elisabeth Lévy en tête) dans le Monde, défendant une « indispensable liberté d’être importunée » et s’alarmait des dérives de #MeToo. Finalement, ça doit donc être ça, la fameuse exception culturelle française.
[1] Sophie Bachat l’a vu pour nous et a aimé.
[2] Un jour, Laurent Baffie lui avait demandé : « quand tu fais un 69, ça fait velcro ? »
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