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Pitié, reportez la rentrée… indéfiniment!

Après le Corona, l’An 01 ?


Pitié, reportez la rentrée… indéfiniment!
Auteurs : Valerio Berdini/Shutter/SIPA; Numéro de reportage : REX40421946_000006

 


Note de service: l’été se termine le 21 septembre. Eh oui. Etrange comme on oublie les saisons.


Depuis quelque temps déjà, on va dire trente ans, les faux rythmes de l’économie spectaculaire-marchande asservissent la population et grignotent la saison souveraine, celle des chaises longues, des naïades, des siestes où revient l’enfance, des petites villes qui dorment dans la chaleur de trois heures, du chat que l’on regarde des heures, du livre retourné sur le sable : il y aura du mica dans les Poèmes de Morand.

Être en avance pour être à l’heure ?


Bientôt, il n’y aura plus que les retraités, (vous savez ces gens qui ont le droit de toucher de l’argent sans travailler à partir d’un certain âge; non, non, ce n’est pas une légende urbaine) pour goûter la mélancolie calme et lumineuse de ces semaines qui commencent après le quinze août, ces soirées où l’on peut encore dîner sur la terrasse mais où il faudra tout de même, au moment du dessert, aller chercher une petite laine.
A l’image de l’école (j’ai été un élève qui rentrais le 15 septembre, puis un prof qui recommençais le 10, le 7, le 1er et je me suis sauvé la première année où la prérentrée a eu lieu un 30 août), l’ensemble de la société est pressée par ses seigneurs d’arriver toujours plus tôt, d’être en avance pour être à l’heure.
Cette vision purement capitaliste du temps qui organise le moindre aspect de nos vies, il serait bien qu’on trouve autre chose qu’un coronavirus pour la détruire. Une révolution, par exemple, ou une sécession douce. Quelque chose entre L’An 01 de Gébé et cette horloge d’un café de Lisbonne, qui tourne à l’envers  dans film d’Alain Tanner, Dans la ville blanche.
« Ne travaillez jamais! » recommandait non sans justesse un graffiti attribué à Debord, rue de Seine, au début des années 1950 .Il faudrait désormais compléter et préciser par « Ne rentrez jamais ».

Déraison générale

Nous ne sommes pas indispensables à cette déraison générale, comme ils veulent nous le faire croire tout en se débarrassant de nous au moindre coup de vent sur leurs plus-values, de rétrécissement de leurs dividendes.  Nous sommes seulement indispensables à nous-mêmes et à ceux qu’on aime et qui nous aiment. Nous ne sommes redevables qu’au bonheur d’être au monde, si improbable aujourd’hui, à l’honneur d’être des hommes disponibles.
Le confinement a au moins eu l’avantage de prouver cette évidence oubliée comme La lettre volée d’Edgar Poe: leur organisation totalitaire du monde et de notre temps n’est rien, juste le mauvais rêve d’une société enchaînée qui peut s’arrêter du jour au lendemain d’un claquement de doigt ou d’un sourire moqueur, pour peu que nous le décidions. Ne rentrez jamais.

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