Si le niveau des petits Français est en baisse, c’est parce que celui de leurs profs dévisse aussi. Leur formation est le nœud du problème que doit résoudre le ministre de l’Éducation nationale. Jean-Paul Brighelli lui souhaite bonne chance, et soumet quelques pistes de réflexion.
Cette lettre ouverte à Gabriel Attal, publiée dans notre magazine le 3 janvier, a été rédigée avant sa nomination à Matignon NDLR. |
Monsieur le ministre,
Choc PISA, dites-vous… Mais le plus choquant est que la nouvelle déroute de l’école française n’a choqué personne. Même les médias ne sont pas parvenus à faire monter la sauce, tant tout le monde, depuis trente ans que la débandade s’est accentuée – au lendemain de la loi Jospin – est résigné à voir le niveau glisser vers les abysses.
Certes, une statistique réalisée en 2022, après un an et demi d’interruption des cours, est légèrement faussée. Mais elle l’est tout autant pour les tigres du Sud-Est asiatique –et pour l’Estonie, meilleur élève de l’Europe.
Nos voisins d’outre-Rhin ont moins bien digéré que nous la nouvelle de leur effondrement. Déjà en 2000, la première évaluation PISA avait occasionné outre-Rhin un choc salutaire : les Allemands, qui se croyaient encore à l’heureux temps de l’école bismarckienne, décidèrent de réagir avec un vrai succès. Cette fois, c’est l’afflux soudain de réfugiés syriens, invités par Angela Merkel à venir violer des Allemandes lors de la Saint-Sylvestre 2016, qui a fait chuter la moyenne.
Le règne des pédagogistes se termine-t-il?
Nous avons nous-mêmes vécu un épisode équivalent après la double décision ingénieuse du couple gauchiste Giscard/Haby, qui en 1976 ont opté à la fois pour le collège unique et pour le regroupement familial. J’étais déjà enseignant, nous avons vu arriver des gosses pas plus méchants que d’autres mais franchement illettrés, insérés dans les classes sur le seul critère de leur âge. Forcément, les enseignants soumis à la « massification » – un mot atroce qui ne réjouit que les pédagogues professionnels – ont baissé le niveau de leurs exigences, afin de ne pas perdre tout à fait ce tiers de classe qui ne comprenait rien, quitte à sacrifier ceux qui savaient déjà tout. Quand on pense que ce sont les enfants de ces immigrés-là qui sévissent aujourd’hui dans les banlieues, on s’étonne moins.
L’une de vos premières décisions – j’en parlais déjà dans mon dernier livre, L’École à deux vitesses – est donc d’en finir avec ce collège unique, ce qui enflamme la combativité des fossoyeurs en exercice du système scolaire. Philippe Meirieu appelle ainsi ses troupes – qui en trente ans ont infiltré le ministère et les universités– à « résister » : en se prenant pour de Gaulle, il vous attribue un rôle peu reluisant. Peut-être faudrait-il indiquer à ces archontes de la malfaisance que leur règne se termine.
En effet, monsieur le ministre, si vous ne prenez pas des mesures complémentaires immédiates, leur dictature se pérennisera – et se renforcera. La formation des maîtres, dites-vous à raison, est à revoir complètement. Afin de provoquer un déclic dans la mémoire des boomers dont les petits-enfants sont massacrés consciencieusement par ces mêmes pédagogues et leurs séides, vous avez parlé de reconstituer les écoles normales sur un cycle de trois ans post-bac.
Il faudra effectivement recruter intensément si l’on veut que la fiction des classes de niveau devienne une réalité tangible. En répartissant les élèves selon leurs aptitudes, et surtout – c’est essentiel – en fixant un nombre d’élèves dans ces divers groupes inversement proportionnel aux difficultés, éventuellement en donnant aux établissements assez de latitude pour augmenter selon les besoins les emplois du temps des matières en tension, vous allez créer un besoin d’enseignants de qualité qui, pour le moment, ne peut être satisfait. Les jurys peinent à donner les concours à des candidats d’une médiocrité insigne, vu qu’ils arrivent souvent de psycho-socio-nigologie, filières où l’on n’enseigne aucune des matières qu’ils sont censés enseigner.
Et comme ils ont bénéficié, en deux ans de master MEEF, d’une formation visant à apprendre à n’apprendre rien (un constat fait dès 1999 par Jean-Claude Michéa dans L’Enseignement de l’ignorance), ils se retrouvent admirablement inaptes à transmettre quoi que ce soit.
C’est le nœud du problème. Les redoublements, le brevet, les notes aux examens, tout cela n’est que broutilles et écran de fumée. Allez jusqu’au bout et supprimez le bac, relique vieillotte d’un système que l’on ne ressuscitera pas. Ce sera près d’un milliard d’euros économisés chaque année.
Ne pas faire confiance à ceux qui ont détruit le système
Puis-je faire une suggestion pour améliorer le recrutement et la formation des maîtres ? Cessez de la confier aux universités, et proposez-la aux lycées à CPGE. Henri-IV a déjà une classe expérimentale, post-bac, qui en trois ans propose de former des professeurs des écoles compétents. Nul besoin d’universitaires experts en recherches pointues pour enseigner à des néo-étudiants auxquels il suffit, au fond, de transmettre tout ce que l’on a soigneusement évité de leur apprendre dans les quinze années précédentes — de l’orthographe à la date de la bataille de Marignan en passant par l’étude des fractions ou des nombres à décimales. Deux questions dont de récents sondages en sixième ont prouvé qu’elles n’avaient pas été abordées au primaire.
Si vous abandonnez la formation des maîtres aux universités, vous allez renforcer le pouvoir de la clique mérieutique qui se frotte déjà les mains à l’idée de contourner vos préconisations – comme elle l’a fait jadis lorsque Gilles de Robien a voulu institutionnaliser l’apprentissage de la lecture-écriture en alpha-syllabique.
Plutôt qu’à des universitaires auteurs de thèses sur l’inutilité de l’orthographe ou du bon français qui s’acharneront à défaire votre projet avant qu’il soit éclos, confiez donc la formation des maîtres aux enseignants de lycée et de classes préparatoires – par exemple ceux qu’une saine gestion des prépas en surnombre à Paris, actuellement en projet, laisserait le bec dans l’eau. Quitte à charger du chapeautage de cette formation une personne digne de confiance – après tout, l’actuel recteur de Paris a réussi à imposer la méthode Lego dans la capitale, conformément aux préconisations de Stanislas Dehaene, et à insuffler de la mixité scolaire dans les lycées de la capitale sans pour autant descendre le niveau.
Vous ne pouvez pas faire confiance à ceux qui ont détruit le système, et qui frappent aujourd’hui à votre porte pour se voir confier des fonctions qui leur permettront de torpiller vos intentions. Seuls de vrais enseignants, maîtres de leur discipline, peuvent assurer l’apprentissage de ces mêmes disciplines. Et ils sauront en même temps initier les étudiants aux subtilités de la vraie pédagogie – celle qui ne laisse personne en route et permet à chacun d’aller au plus haut de ses capacités.
Cela dit, bravo pour votre réactivité dans l’affaire du collège d’Issou. Les élèves sanctionnés doivent être déplacés plus loin – loin de leurs familles toxiques, de leurs « grands frères » et de leur ghetto.
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