Retour sur la démission surprise du Premier ministre irlandais Leo Varadkar le mois dernier, après l’échec de son référendum appelant à la modification de la Constitution.
L’Irlande, autrefois pays des plus catholiques et conservateurs, est devenue une terre d’élection du progressisme. En 1983, son peuple approuvait à 67 % un amendement à la Constitution interdisant l’avortement. En 2018, l’électorat a approuvé l’abrogation de cet amendement à 67 % ! Entre-temps, sous la tutelle de ses élites, l’Irlande a voté pour le divorce en 1995 et le mariage gay en 2015 ; joué un rôle de pionnier dans l’introduction de restrictions sur le tabac et de l’auto-identification de genre pour les trans ; et subi des niveaux record d’immigration. Mais les élites qui croyaient diriger le peuple comme elles voulaient viennent de recevoir un camouflet humiliant. Dans deux référendums qui ont eu lieu le 8 mars (la Journée internationale des droits des femmes), les Irlandais ont rejeté de manière décisive deux modifications de la Constitution prônées par la majorité des partis politiques. Il s’agissait d’effacer du texte constitutionnel les vestiges de la politique sociale catholique inscrite dans le document fondateur du pays en 1937.
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Dans le premier article, l’État reconnaît l’importance de la famille fondée sur le mariage et garantit sa protection comme institution. La modification aurait supprimé la référence au mariage, mais le gouvernement s’est montré incapable d’expliquer si le changement conduirait à la reconnaissance de familles fondées sur la polygamie. Le deuxième article reconnaît l’importance du travail de la femme au foyer et stipule que l’État doit éviter que la femme soit obligée par la nécessité économique de prendre un autre travail « au détriment de ses devoirs au foyer ». Selon le Premier ministre, Leo Varadkar, il fallait remplacer ce « langage très démodé, très sexiste » par une référence à l’entraide que les membres d’une famille doivent les uns aux autres. Sauf que les Irlandais ont compris qu’il s’agissait d’enlever une barrière qui, jusqu’ici, protégeait les femmes désirant élever leurs enfants à la maison, mais que l’État voudrait contraindre à rejoindre le marché du travail. Varadkar avait invité ses concitoyens à avancer sur « le chemin de la liberté ». Le 20 mars, c’est lui qui a pris celui de la démission surprise.