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Une pilule peut en cacher une autre


Une pilule peut en cacher une autre

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Promesse de la dernière campagne présidentielle, l’accès gratuit et anonyme de tous les jeunes aux différents modes de contraception vient de surgir dans les étals, après son inscription dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne 2012. Jusqu’à présent, la pilule, principale méthode de contraception en France, était remboursée à 65 %. Elle pouvait être délivrée gratuitement et de façon anonyme aux mineures, mais uniquement dans les centres de plannings familiaux, structures de plus en plus insuffisantes, notamment en milieu rural et en zone périurbaine. Désormais, les mineures de 15 ans et plus auront accès à une contraception gratuite : pilules de première et deuxième génération ainsi que stérilets et implants contraceptifs. Seules conditions requises : ces jeunes filles devront obtenir une ordonnance chez un médecin puis présenter la carte Vitale de leurs parents ou une attestation d’affiliation à un régime de Sécurité sociale en pharmacie.
Ce faisant, peut-on considérer que François Hollande vient d’honorer un de ses engagements présidentiels ? Rien n’est moins sûr. Dans un courrier en date du 24 octobre 2012, le planning familial rappelait au ministre de la Santé Marisol Touraine que la contraception gratuite et confidentielle est déjà inscrite dans la loi depuis 1974 et sans limite d’âge. Interrogée il y a quelques jours sur Europe 1, la secrétaire générale de l’association reste dubitative sur l’effet de la mesure. Pour Marie-Pierre Martinet, le fait qu’il faille une ordonnance d’un médecin généraliste, introduira « un questionnement des parents sur la raison pour laquelle leur fille s’est rendue chez le médecin. » L’obligation de présenter la carte Vitale des parents ou une attestation d’affiliation à un régime de sécurité sociale pose le même problème.
La question de l’accès à la pilule pour tous intervient à un moment assez paradoxal. Le scandale des pilules de troisième génération – qui ne sont plus remboursées depuis le 31 mars – a montré, s’il en était encore besoin, que la lutte chimique contre l’expression naturelle des corps n’était pas sans effet secondaires. De nombreuses plaignantes au corps abîmé s’offusquent aujourd’hui de l’imprudence des médecins qui leur ont prescrit ce médicament dépourvu de valeurs curatives. Distribuées comme des chips, ces dragées du plaisir constituent le beurre des laboratoires pharmaceutiques qui s’engraissent en prenant soin de garder la recette secrète. Que contiennent-elles ? Quels sont leurs effets à long terme ? À l’heure du tout biologique et de la traçabilité absolue, il est frappant que la pilule n’interroge pas plus que cela.
Mais les laboratoires l’ont compris, et Michel Houellebecq avant eux, la sexualité est devenue un critère de hiérarchie sociale au même titre que l’argent et l’apparence. Nous sommes tous des Raphaël Tisserand, ce collègue et double négatif du narrateur d’Extension du domaine de la lutte qui cherche sa place dans la compétition sexuelle mondialisée. Le domaine de la lutte s’étend désormais aux relations humaines dans leur quête d’amour et de sexualité débridée. L’individu-marchandise est devenu un «  capital subjectif soucieux de se valoriser » au sein du nouvel ordre économique et sexuel. Et comme le sportif qui se prémunit contre les risques de blessure pendant une compétition, comme le financier qui assure ses placements en bourse, le couple moderne s’arme contre tout ce qui pourrait éteindre ou retarder sa course à l’hédonisme.
« L’amour, ça doit être essentiel et dangereux » avait un jour lancé le romancier Sébastien Lapaque, paraphrasant Norman Mailer, l’auteur de Prisonnier du sexe. Si un jour nous arrivions à repenser le monde, à ressentir la nécessité de ce qui est beau, l’impression d’être « une cuisse de poulet sous cellophane dans un rayon de supermarché » (Houellebecq) ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

*Photo : mr.paille.



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