Nous apprenons avec soulagement que Pierre Péan et son éditeur Claude Durand viennent d’être relaxés par la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Paris.
L’affaire que nous avions évoquée ici il y a un mois et portait sur Noires fureurs, blancs menteurs (Fayard, 2005), un livre écrit par l’enquêteur sur les massacres inter-ethniques rwandais était à la fois pénible et curieuse.
Pénible parce qu’il n’est jamais agréable de voir des gens aussi insoupçonnables que Péan et Durand traînés devant les tribunaux pour incitation à la haine raciale. La cour a balayé cette infamie d’une relaxe pure et simple (tout comme l’accusation conjointe de diffamation) et c’est très bien comme ça.
Mais l’affaire était aussi curieuse, et à plus d’un titre. C’est SOS-Racisme qui est à l’origine de la campagne anti-Péan, puis du procès qui s’en est suivi, constamment soutenue et relayée par l’UEJF, l’Union des Etudiants Juifs de France. On se serait attendu à ce que l’Etat rwandais, très attaché à réécrire de façon univoque l’histoire des massacres de 1994 et du rôle supposé de la France dans l’affaire, aurait été partie prenante au procès ou aurait au moins téléguidé, comme cela se fait couramment, une association croupion pour se faire représenter. Cela n’a pas été le cas ou, plutôt, c’est SOS qui tenait ce rôle.
Quant à l’UEJF, on a beau savoir qu’elle entretient des relations plus qu’étroites avec SOS-Racisme, et donc, de fait, avec certains dirigeants du PS, on se demande vraiment ce qu’elle allait faire dans cette aventure. Ou plutôt on se le demandait jusqu’au 2 septembre dernier, date à laquelle son ancien président Benjamin Abtan, s’est livré à un exercice particulièrement abject devant le tribunal. Nous sommes au deuxième jour du procès et Benjamin Abtan pense avoir trouvé l’arme absolue contre Péan et Durand. Il déclare avoir tenté de remplacer le mot « tutsi » par « juif » dans l’ouvrage de Pierre Péan, et n’avoir pu s’empêcher de faire le lien avec Mein Kampf. D’après l’AFP l’ancien président de l’UEJF, a par ailleurs affirmé avoir rencontré des rescapés des massacres rwandais qui étaient saisis de peur à l’évocation du nom de Pierre Péan, « une émotion qui dans les références qui sont les miennes ne peuvent que me rappeler l’effet du nom Faurisson sur les rescapés de la Shoah ».
Voilà donc à quoi servait l’UEJF dans ce dispositif : à exciper de sa raison sociale juive pour poser l’équation : Rwanda = Shoah, et donc Péan = négationniste = raciste. Partant de là, la cour savait ce qui lui restait à faire… On sait que le tribunal a préféré ramener ces accusations à de plus justes proportions, c’est-à-dire à néant.
N’empêche, ces procédés inqualifiables, de banalisation, d’instrumentalisation et quasiment de prostitution de la Shoah, en disent long sur la moralité de leurs auteurs et la bêtise ne saurait être une circonstance atténuante. Elles en disent long aussi sur la contre productivité absolue d’une certaine hystérie mémorielle et judiciaire, dont l’extinction n’est pas à l’ordre du jour. D’ailleurs, dans cette affaire, SOS-Racisme a annoncé son intention de faire appel. Une déclaration un rien imprudente, à mon avis, au vu du dossier, Dominique Sopo et ses amis feraient mieux d’en rester là, et c’est sûrement ce qu’ils feront, même s’ils affirment pour l’instant l’inverse.
Ce ne serait pas la première fois que SOS-Racisme fait l’exact contraire de ce qu’elle dit vouloir faire, comme le prouve amplement son seul nom…
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