Éclipsé par les dogmatiques Le Corbusier, Jeanneret et Perriand, Pierre Chareau a développé une œuvre singulière dans l’entre-deux-guerres. Cet architecte, décorateur et designer a même inventé un style : le « goût français ». Un beau livre lui rend enfin hommage.
En 2023, Pierre Chareau serait au chômage : il n’avait aucun diplôme. Pas plus que nombre des architectes de son temps : Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Ludwig Mies van der Rohe… Tous autodidactes. Au tournant du XIXe siècle, il faut croire que le talent était un gage de reconnaissance suffisant. On n’était pas encore entré dans la religion du bac + 7.
Sous la double signature des spécialistes Marc Bédarida et Francis Lamond, un « beau livre » en deux volumes récapitule la vie et la carrière de cet homme talentueux, émotif et discret. Jamais dogmatique ou doctrinaire, au contraire d’un Corbu follement idéalisé par la postérité, Chareau (1883-1950) a, lui aussi, traversé le premier XXe siècle : à la fois ensemblier, décorateur, designer (comme on ne le disait pas encore) et architecte.
L’homme à la pointe de la modernité
L’étendue, la diversité de son travail est souvent éclipsée par la légitime célébrité acquise de nos jours par son grand œuvre : cette fascinante « Maison de verre », commande du médecin Jean Dalsace et de son épouse Annie, et dont la construction, rue Saint-Guillaume
