C’est une icône de l’âge d’or de la pub, l’enfant chéri des années 1980. Pour sa nouvelle vie, il a choisi la littérature, et son premier roman l’impose déjà comme un grand écrivain.
Je fais connaissance avec Pierre Berville en dévorant une belle pièce de viande au Bœuf couronné, restaurant bien connu des carnivores, boulevard de la Villette. Ce lieu sied à merveille à cet homme dont la stature et la chevelure imposantes me font penser à un ogre, pas un dévoreur d’enfants de contes de fées, mais un croqueur de vie, comme il n’en existe plus guère. Berville a d’ailleurs marqué le « monde d’avant » en créant, en 1981, une cultissime campagne de pub : la mannequin Myriam promet d’enlever le haut, puis le bas… et tient ses promesses !
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Pierre Berville est un enfant de la classe moyenne d’après-guerre. Il grandit à Asnières, au mitan du xxe siècle, lorsque tout était encore possible. Sa mère était institutrice et son beau-père, cameraman, collectionneur compulsif d’ouvrages de littérature populaire. Pierre, bien entendu, les a tous dévorés : « Je dormais dans la bibliothèque. » Cet électron libre fréquente un peu la fac de lettres de Nanterre puis accumule tous les petits boulots qui se présentent à lui : employé de banque, embouteilleur, éboueur… avant de débouler, presque par hasard, dans le monde de la publicité. Son talent, sa chance insolente, son dilettantisme – au vrai et beau sens du terme (de l’italien dilettante, « celui qui se délecte ») –, ainsi que sa « cool attitude » l’imposent rapidement dans le milieu et façonnent sa réputation de publicitaire de génie. Berville réussit tout ce qu’il entreprend, et sans en avoir l’air : c’est charmant, voire agaçant !
Mais pour lui, la pub, c’est désormais du passé, même s’il ne crache pas dans la soupe comme l’a fait Frédéric Beigbeder. Depuis quelques années, Pierre Berville se consacre à l’écriture. Après avoir publié J’enlève le haut : les dessous de la pub à l’âge d’or (Aquilon, 2019), récit de sa carrière haute en couleur, il passe aux choses sérieuses avec un premier roman, La Ville des ânes (Aquilon, 2021), un roman noir à la française qui plante son décor à Asnières. Un riche promoteur est jeté du haut d’une tour. Son ami d’enfance, un notaire discret, aux antipodes de l’univers impitoyable de l’immobilier, mène l’enquête. Pour l’auteur, cette intrigue est le prétexte pour décrire, avec délectation, un monde interlope fait de petits truands, de femmes fatales et de crapules magnifiques. Le style est virtuose, riche et précis, quant aux portraits des personnages, ils sont d’une justesse troublante. Lors d’une conversation téléphonique, j’ai dit à Berville, dans un cri du cœur : « Mais c’est du naturalisme ton bouquin ! Tu es notre nouveau Zola ! » Au fil de ses pages, comment ne pas penser à La Curée, ce chef-d’œuvre qui explore la spéculation immobilière sous le Second Empire ? Et il m’a avoué, en effet, que Zola était l’une de ses références…
On ne sait si Berville va se lancer dans une série façon Rougon-Macquart, mais il nous prépare une suite à La Ville des ânes.
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