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Paris, pour l’éternité

Une expo photo capitale


Paris, pour l’éternité
Cabaret de l’Homme armé (détail), 25, rue des Blancs-Manteaux, IVe, septembre 1900 © Paris Musées / musée Carnavalet – Histoire de Paris

Il ne vous reste qu’une semaine pour courir à la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris, afin de (re)plonger dans l’univers d’Eugène Atget. Ce photographe sut, mieux que personne, fixer l’âme de la capitale.


Eugène Atget (1857-1927) connut une notoriété tardive, pour ne pas dire posthume. Cet ancien comédien qui « renonça aux fards du théâtre pour démaquiller la vérité », selon Walter Benjamin, se mua en photographe génial, en pionnier de la photographie de rue pour immortaliser un Paris post-haussmannien amené, lui aussi, à disparaître. Il commence son travail d’inventaire topographique, architectural et quasi ethnographique en 1897. S’intéressant d’abord à la faune parisienne, il fixe marchands ambulants, commerçants embourgeoisés, serveurs de cafés, enfants errants, kermesses de quartier et Romanichels des Fortifs. La vie de la ville. 

Coin de la place Saint-André-des-Arts et de la rue Hautefeuille, VIe, 1912 © Paris Musées / musée Carnavalet – Histoire de Paris

Très vite, il braque ensuite sa chambre noire sur les perspectives des ruelles obscures du Marais, du Quartier Latin et des faubourgs villageois de Passy. Souvent prises au petit jour, ces vues d’un Paris désert et fantomatique nous plongent irrémédiablement dans un étrange sentiment, celui de reconnaître ce que l’on ne peut plus voir, ou qui a été, depuis, défiguré. 

A lire aussi, Thomas Morales: Revoir Carnavalet et le Paris de Cartier-Bresson

Son œil se pose également sur les façades, celles des arrière-cours Renaissance encore oubliées par les démolisseurs et les détails, inouïs et innombrables, des hôtels et immeubles qui composaient le décor quotidien. Fers forgés des fontaines, heurtoirs des portes cochères, têtes de lions et de gorgones, envolées d’escaliers… Superbes et tristes restes d’un Paris Grand siècle dans lesquels surgit, çà et là, dans l’entrebâillement d’une porte ou dans l’ombre d’une fenêtre, la silhouette d’un Parisien suspendu dans le temps. En observant les tirages d’Atget, il nous semble sentir l’odeur saturée des échoppes de chiffonniers, l’humidité des berges poisseuses de la Bièvre, le lourd tanin des barriques des entrepôts de vin de Bercy. Il capte les effets atmosphériques et procure ainsi bien plus qu’un simple plaisir pour les yeux. Pourquoi, comment ? La réponse est sûrement donnée par Walker Evans, en 1930 : « Il en ressort une intelligence lyrique de la rue observée par un œil exercé, un instinct aigu de la patine, un sens du détail évocateur, le tout revêtu d’une poésie qui n’est pas la « poésie de la rue » ou la « poésie de Paris », mais une projection de la personne même d’Atget. » 

Ancien hôtel Sully-Charost, 11, rue du Cherche-Midi, VIe, 1904 © Paris Musées / musée Carnavalet – Histoire de Paris

Eugène Atget meurt en 1927, après avoir rencontré la photographe américaine Berenice Abbott. C’est elle qui, avec le galeriste Julien Levy et le légataire d’Atget, André Calmettes, sauvera son fonds d’atelier pour le diffuser dans le monde entier.


Jusqu’au 19 septembre : Eugène Atget – voir Paris, à la Fondation Henri Cartier-Bresson. 79, rue des Archives 75003 Paris.

Jusqu’au 31 octobre : Henri Cartier-Bresson – revoir Paris, au musée Carnavalet. 22, rue de Sévigné 75003 Paris.


Capitale

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Journaliste. Dernière publication "Vivre en ville" (Les éditions du Cerf, 2023)

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