Si Emmanuel Macron a remporté l’élection présidentielle, c’est en constatant la crise du système partisan. Par sa verticalité, le chef de l’État redonne un second souffle à une Ve République qu’il devra réformer.
Causeur. Dans votre dernier essai L’esprit de la Ve République (Perrin, 2017), vous estimez que la Ve République ne fait plus consensus. A vous lire, cette vieille république peine aujourd’hui à réaliser « le programme fondamental de la démocratie libérale » que vous définissez comme « la combinaison de la liberté des citoyens et de la force du gouvernement ». Pire encore, il y a encore quelques semaines, on avait l’impression que la Ve République était à l’agonie, achevée par le trio Chirac-Sarkozy-Hollande. Pourtant, avec Emmanuel Macron à sa tête, semble vive une deuxième jeunesse…
Philippe Raynaud. Je n’ai pour ma part jamais considéré que nous étions au bord d’une crise de régime ! En revanche, nous assistons bien à une crise du système partisan tel qu’il s’était stabilisé durant le second mandat de Mitterrand. Jusqu’en 1981, le système partisan s’est organisé à l’articulation de deux lois électorales : la réforme constitutionnelle de 1962 qui a abouti à l’élection du président de la République au suffrage universel d’une part, et d’autre part le maintien, pour toute élection décisive, du système majoritaire à deux tours, adopté pour rompre avec la IVe République. Ce système, qui au départ limitait le poids des partis traditionnels et assurait l’hégémonie du grand parti gaulliste, s’était finalement stabilisé dans ce que Maurice Duverger appelait « le quadrille bipolaire » formé de deux blocs bipartisans : le PC et le PS d’un côté, l’UDF et le RPR de l’autre. Cet équilibre reposait sur une vie politique apparemment très conflictuelle, parce qu’entre les deux blocs il y avait une opposition idéologique forte : d’un côté ceux qui se représentaient comme les seuls vrais nationaux, et de l’autre une alliance qui prétendait rompre avec le capitalisme. Le « quadrille bipolaire » a ainsi servi de mécanisme intégrateur : à l’époque, les partis extrêmes étaient marginalisés et l’immense majorité de la population se reconnaissait dans ce choix simple et fondamental. Et cela fonctionnait bien car aux élections de 1978 où la gauche avait failli gagner, on avait une participation de 85 %.
Pourquoi ce système a-t-il cessé de fonctionner ?
Le système s’est dissous du fait de l’arrivée de la gauche au pouvoir et de l’abandon de son programme. Un abandon réalisé d’ailleurs assez rapidement et qui débouche sur le fameux tournant de 1983, dont les conséquences politiques ne sont tirées qu’un an plus tard, avec le gouvernement Fabius. Dès lors, on voit poindre un système nouveau qui est lié à ce que les auteurs de La République du centre, François Furet, Pierre Rosanvallon et Jacques Julliard, ont appelé « la fin de l’exception
