L’humour dévastateur de Philippe Muray naît de l’idée que l’homme est féroce et mu par la jalousie. Contre l’optimisme anthropologique de L’Empire du Bien, il s’est réfugié dans l’écriture et la possession des femmes.
Dans un poème intitulé Tombeau pour une touriste innocente, Muray évoque une touriste dotée de toutes les qualités contemporaines qu’il réprouve – un fond idiot et impitoyablement sympa – qui se fait trucider par un islamiste. Celui-ci est défini ontologiquement par Muray comme un « terroriste qui se voulait touriste », c’est-à-dire une sorte de frère en abrutissement de celle qu’il égorge, de symétrique inverse de sa victime, partageant le même idéal de règne de la bêtise. Ce poème, me dit-on, a été retiré de la liste des textes lus sur scène par Fabrice Luchini, car le public n’accrochait pas. Il y avait un blanc. Flash-back : Cunégonde, dans Candide, est violée par tous les reîtres qui traînent en Europe centrale et même, si je me souviens bien, termine cul-de-jatte et borgne ; mais il semblerait que, deux cents ans plus tard, cet effet comique de contraste avec l’optimisme philosophique de Pangloss ne soit plus possible sous la plume de Muray. Comme si les spectateurs ne pouvaient pas accepter un humour féroce, faute de sentir la férocité en eux, ni un humour où l’imbécile est victime, car cette imbécile était vertueuse.
Muray a un succès universel et superficiel quand il se moque des bobos. Mais quand il dit pourquoi il s’en
