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Philippe Lançon, résilient par le sang versé

Philippe Lançon raconte sa vie après le massacre de Charlie hebdo


Philippe Lançon, résilient par le sang versé
Philippe Lançon. Photo : Hannah Assouline.

Dans Le lambeau (Gallimard, 2018), Philippe Lançon raconte sa vie après le massacre de Charlie hebdo, dont il ressort défiguré. A la banalité du récit hospitalier vient se greffer le ravissement des références culturelles qui l’aident à revivre. Mais aucune analyse politique n’accompagne son récit.


Le 7 janvier 2015 est une date déjà gravée dans notre mémoire nationale. C’est le jour où les frères Kouachi débarquent à Charlie Hebdo lourdement armés, et y perpètrent leur attentat. Journaliste et critique à Libération et Charlie Hebdo, Philippe Lançon était présent, ce jour-là, à la conférence de rédaction du petit journal anar’ que plus grand monde ne lisait… mais que les islamistes avaient toujours dans le viseur.

Lançon est l’un des rares survivants de ce massacre. Il a vu les jambes des tueurs et est resté allongé parmi ses amis morts pendant de terrifiantes minutes. Touché par balle à la mâchoire, il est défiguré et subit plusieurs passages en bloc opératoire.

Le témoignage d’un survivant 

Le récit effleure à peine la «vie d’avant». De même, l’attentat lui-même est rapidement évoqué. L’écrivain raconte dans Le Lambeau sa difficile reconstruction faciale. Sa vie, mise entre parenthèses, va dépendre de sa chirurgienne Chloé.

Un miraculé qui va s’épancher sur ses souffrances ? A première vue, cette perspective de lecture peut rebuter certains lecteurs repus d’une époque envahie par la psychologie et l’émotion.

Mais Lançon nous offre un récit distancé. Tout est dit et détaillé de son calvaire, mais l’abnégation donnée à ne pas livrer un récit déprimant charme. Lançon souffre, mais n’est pas souffreteux. La douleur physique qu’il ressent est pourtant de celles qu’il devient vite impossible de différencier de l’incommodité. Lançon a attendu deux ans pour trouver le ton juste : quand on est enfermé dans la souffrance, on ne peut plus se projeter. Il traverse les épreuves (médicale, amoureuse ou professionnelle) sans tomber dans le victimaire.

La culture occidentale, rempart à la barbarie islamiste ?

Homme de gauche (son adoration de Cuba, sa tendresse pour Hollande et des indices d’antiaméricanisme le confirment), Lançon ne propose pas d’analyse « politique » à son drame. Il confesse avoir des moments de panique ou de gêne, notamment quand il se trouve confronté à certains individus typés dans le métro. Mais on n’en saura guère plus. Peur du hors-sujet ou de l’amalgame ? « Vous n’aurez pas ma haine » ? Non, la guerre contre le terrorisme ne fait que commencer et Lançon n’a simplement jamais souhaité y prendre part.

A la frivolité du critique littéraire qui s’apprêtait à « affronter » Houellebecq en interview avant l’attentat, une certaine distance a laissé toute la place. Lançon n’a pourtant aucun cynisme et parvient même à faire sourire.

Isolé du monde, son séjour hospitalier est un long retour parmi les vivants. Lançon s’attarde sur les petits détails des soins. A la morne banalité du récit hospitalier vient se greffer le ravissement des références culturelles qu’il convoque avec vélocité. Les mots de Proust et Kafka, la musique de Bach ou la peinture de Vélasquez sont pour lui – avec la reprise lente de l’écriture – les meilleures béquilles. Le récit s’achève sur le 13 novembre, où l’islamisme tue avec encore plus d’ampleur. Lançon est alors loin de Paris.

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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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