« Le bonheur est un festin de miettes », disait Jacques Faizant. En ce cas, le dernier livre de Philippe Bilger, La France en miettes, annonce une excellente nouvelle… Las, si le mot profond du caricaturiste gaulliste est très juste pour ce qui touche à la vie, concernant la politique, c’est une tout autre histoire – plutôt triste en l’occurrence.
La France en miettes est d’abord le récit d’un espoir qui se transforme en déception, et même en colère. En 2007, Philippe Bilger souhaitait, comme la majorité des Français, la victoire de Nicolas Sarkozy. Or, à peine élu, le nouveau président cumule faux pas, gaffes et impairs. C’est d’abord l’homme qui est jugé sans ménagement, et peut-être avec une sévérité excessive, par l’ancien avocat général : « Agité », « excité », « impulsif » et « vulgaire », Philippe Bilger le trouve indigne d’être président de la République. Quant à son action, l’auteur la qualifie purement et simplement de « massacre » auquel aucun domaine, à commencer par la Justice, particulièrement chère à l’auteur, n’a échappé.
On peut comprendre aisément pourquoi Philippe Bilger a accueilli l’élection de François Hollande sinon avec enthousiasme, au moins avec grand soulagement.[access capability= »lire_inedits »] Pour autant, il n’est pas certain que le livre soit le cadeau d’anniversaire dont rêvait le « président normal ». Malgré son affection assumée pour l’homme, Philippe Bilger est plus que dubitatif face à l’homme d’État. Quant à la gauche, à l’exception de quelques personnalités, elle n’est pas au rendez-vous de la crise. Ni de l’Histoire.
Bilger, cependant, se refuse à jouer les médecins légistes. Il préfère le rôle de l’urgentiste qui recherche le moindre signe de vie chez son patient plutôt que constater sa mort. Et pourtant, au fur et à mesure de la lecture, on est envahi par une profonde inquiétude pour la République, dont l’idée même semble être devenue caduque.
Obsédée par Nicolas Sarkozy, l’UMP est incapable de procéder à l’inventaire du quinquennat 2007-2012, étape pourtant indispensable pour une reconquête du pouvoir. Et si quelques talents, comme Bruno Le Maire, séduisent le chroniqueur de cette dérive d’État, le duel mortifère Copé-Fillon ne lui laisse que peu d’espoir pour cette droite-là. Quant au Front national, Bilger ne fait pas dans l’indignation morale : il estime que sa présidente n’est pas prête, loin s’en faut, à exercer la charge qu’elle brigue.
En somme, la gauche et la droite déçoivent, et les grands hommes, on le sait, font cruellement défaut. Autant dire que le tableau n’est guère réjouissant. La France est en miettes. Et le plus grave est que « nous n’avons même plus envie d’en rassembler les morceaux ».[/access]
Philippe Bilger, La France en miettes, Fayard, 2013.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !