Alors Philip Roth, l’homme qui ne souriait jamais sauf en se cachant, est mort. Et il n’ira pas au Paradis, ni dans les Limbes, ni nulle part ailleurs. C’était un incroyant notoire — il était même, expliqua-t-il un jour, anti-religieux : « Je trouve les religieux immondes. Je hais les mensonges de la religion. Ce n’est rien qu’un immense mensonge. » Cela me rappelle l’imprécation finale de Maurice de Nassau, prince d’Orange, qui sur son lit de mort en 1625 ne trouva rien d’autre à dire, au curé arrivé en urgence, que « Je crois que deux et deux font quatre » — une réplique que Molière mit plus tard dans la bouche de Dom Juan. Roth a enfoncé le clou : « Rien de névrotique dans mon opinion. Elle se fonde sur l’abominable histoire de la religion — je ne veux même pas en parler. Rien d’intéressant à parler de moutons sous le joli nom de « croyants ». Quand j’écris, je suis seul. Plein de crainte, de solitude et d’anxiété — et je n’ai nul besoin de religion pour me sauver. »
Rita Braver, intervieweuse de CBS, avait beau insister (« Mais vous n’avez pas le sentiment qu’il y a un Dieu parmi nous ? Vous pensez à ce que diront les gens en vous entendant faire profession d’athéisme ? » — aux Etats-Unis, c’est par votre foi, ou l’absence d’icelle, que l’on vous somme de vous définir), Roth (que l’on devine poliment exaspéré) avait insisté aussi : « Quand le monde entier cessera de croire en Dieu, ce sera un chouette endroit pour vivre… »
L’Amérique par les femmes
Le parallèle avec Dom Juan n’est pas vain. Roth était un séducteur — comme Albert Cohen au fond : du charme, du talent, et ce « mépris d’avance » qui peut rendre le séducteur haïssable, une fois qu’il a déjà séduit. Parlez-en à Claire Bloom, avec qui il vécut plusieurs années, et dont il ne supportait pas la fille, qui était, à son avis, une imbécile. Nous en avons assez autour de nous, autant s’épargner d’en avoir près de nous.
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Roth et les femmes, donc. Les Juifs qui l’ont presque systématiquement condamné, livre après livre, expliquant même que son œuvre était ce qu’il y avait de plus antisémite après les Protocoles des Sages de Sion (si ! Il y en a qui n’ont pas peur de dire des énormités), se sont focalisés sur ses héros masculins, tous soupçonnés d’être des reflets ou des hypostases de l’auteur (dans le grand fourre-tout médiatique, il n’y a plus personne apparemment qui comprenne qu’auteur, narrateur et héros sont des entités distinctes, même quand le héros s’appelle Philip Roth, comme dans The Plot against America ou Operation Shylock). Neil Klugman dans Goodbye Colombus, Alexander Portnoy dans Portnoy’s complaint (qui pourrait postuler au Guinness Book dans la catégorie « scènes de masturbation »), Nathan Zuckerman ou David Kepesh, qui reviendront chacun dans trois romans — et j’en passe. Tous des « alter ego » de l’auteur, dit le critique pressé. « Tous antisémites ! », affirme l’hassidique new-yorkais. Alors que Roth se souciait surtout de peindre l’Amérique… Stendhal déjà ironisait sur les imbéciles qui accusent le miroir…
On s’en fiche. L’avis des imbéciles, hein… « Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs », comme dit l’autre.
Moi, ce qui m’a toujours motivé chez Roth, ce sont ses femmes. Il avait le chic avec les nanas. Goodbye Colombus, c’est Brenda Patimkin ; Portnoy, c’est…
>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<
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