Philharmonie pour tous


Philharmonie pour tous

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Ça y est, messieurs dames de Paris, de Pantin et de la planète, la Philharmonie est à vous ! Elle est grande. Elle serait même grosse pour son âge. Une énorme barre en travers de La Villette qui, comme dit le patron, « dialogue avec la banlieue », preuve de son adhésion au monde moderne.

Le soir de l’inauguration, on était mal nous autres auxiliaires de placement. Rien n’était sec, il a fallu scotcher les numéros sur les accoudoirs, les gens rataient la marche dans l’ombre et se vautraient sur leurs voisins, des rangées de fauteuils sur vérin tanguaient comme une péniche, d’autres n’avaient pas de fauteuil du tout, on a dû arrimer les baronnes à des chaises, les escalators ont tenu trois quarts d’heure, les coulisses font assez Beyrouth 1989, les panneaux acoustiques ne fonctionnent pas, alors je vous jure que dans les balcons suspendus on entend beaucoup moins qu’en bas, bref, c’est ouvert, c’est beau, c’est varié, c’est pas cher, c’est plein, c’est neuf, mais on n’est pas rendu.[access capability= »lire_inedits »]

Le 14 janvier, avant l’ouverture des portes, je n’arrivais même pas à savoir le nom. « Philharmonie 1 » qu’on m’a dit au bureau du personnel pour ne pas confondre avec la salle autrefois « modulable » qui devient « Philharmonie 2 » – comment on s’est fait incendier par les clients à la bourre qui comprenaient plus rien. D’autres préfèrent : Cité de la musique, grande salle/petite salle. Vous avez remarqué comme les lieux de fête ont le cœur administratif. À mon avis, tôt ou tard ça s’appellera SPB (Salle Pierre Boulez), et basta.

Inauguration émotionnelle. Pas de Pierre Boulez, le commanditaire, malade. Pas de Jean Nouvel, l’architecte, trahi. Mais le président Hollande venu prononcer un discours sur l’art (si, si, l’art. Il aura fallu deux carnages collatéraux pour que le mot art rentre du bagne et que le mot culture prenne une semaine de vacances). Plus applaudi, le président, qu’Hélène Grimaud, Renaud Capuçon, le Chœur et l’Orchestre de Paris ensemble. Resté jusqu’à minuit. Du coup, la maire Hidalgo a dû rester aussi, elle qui déteste les classiques, nous l’a-t-elle seriné ! Vous voulez la gloire tranquille ? L’harmonie ? Inaugurez une philharmonie.

Maintenant, le programme. Il y en a tous les jours pour tous les goûts, des stars, des bleus, du piano, du baroque, du jazz, du raga, des institutions locales, des orchestres américains, une expo David Bowie le mois prochain. Et surtout, surtout, des trucs pour les jeunes.
En France, l’âge moyen du mélomane qui fréquente les concerts classiques était de 36 ans à l’arrivée de Mitterrand (François) en 1981, il est de 61 ans aujourd’hui. Pas un auditeur nouveau. C’est le sociologue Stéphane Dorin qui nous l’apprend en marge du Salon Musicora. Si on veut qu’elle serve, la Philharmonie, va falloir en mettre un coup. Parce que les quidams qui ovationnaient le président, l’autre soir, ils habitent pas Aulnay et ils ont pas 16 ans. Oublions les quadras, génération Haribo-Tagada-Bio-Pop perdue pour la cause. Restent les petits. Mais l’école de l’art, jetez un œil aux cours de vos lardons. La pente à remonter ! Il est loin, le Mozart pour tous. Loin l’ado dénabillatisé. Loin, l’avenir de la Philharmonie. Loin, loin.>[/access]

*Image : Soleil.

Février 2015 #21

Article extrait du Magazine Causeur



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