Si les féministes avaient l’habitude de manifester pour protester contre le patriarcat, elles entrent maintenant dans un tout nouveau mouvement: utiliser l’art pour contrer la tendance phallique.
Si ces derniers temps c’est le déboulonnage de statues qui a été à la mode, il faut reconnaître qu’on en construit aussi afin de combattre la tendance phallique de certains monuments existants. En 2017, un collectif avait procédé à l’érection, si le terme est adapté, d’un clitoris géant sur le campus de l’université de Poitiers afin de revendiquer l’égalité homme/femme. L’œuvre était une réponse à un phallus géant qui y trônait depuis quarante ans, totem de la confrérie estudiantine des « Bitards ». En 2021, un monumental clitoris gonflable, conçu par l’artiste féministe Julia Pietri, a été installé à Paris sur le parvis des Droits de l’homme, narguant la très phallique tour Eiffel en face.
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Cette année, une autre plasticienne, Karine Branger, a érigé deux clitoris géants dans le hall de la mairie du 18e arrondissement, comme pour signaler que tout espace disponible est désormais réservé aux organes génitaux féminins. Dans cette véritable guerre des sexes, les féministes traquent les phallus. On peut même dire qu’elles en voient partout. Comme cette association d’étudiantes de l’Imperial College de Londres, qui proteste avec véhémence via une pétition contre l’installation prochaine sur le campus d’une statue d’Antony Gormley, l’un des sculpteurs contemporains les plus reconnus, intitulée Alert. Cette œuvre d’art représente par des formes géométriques un être humain accroupi, censé évoquer « la communauté scientifique ». Selon l’artiste, il s’agit de la transformation d’une forme anatomique en construction architecturale. Peu convaincues, nos vigilantes y voient, elles, en lieu et place de jambes repliées, un phallus de trois mètres de long… Un symbole apparemment aussi viril constituerait un problème sérieux alors qu’il n’y a que 41,8 % de femmes dans cet établissement universitaire consacré à l’étude des sciences. Les étudiantes ont exprimé la crainte que l’exposition d’un tel phallus puisse même détourner les jeunes femmes des sciences. Qui, des hommes ou des femmes, sont les plus phallocentriques ?