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Peut-on encore être militant LGBT sans être woke?

Rencontre avec un militant lyonnais désabusé


Peut-on encore être militant LGBT sans être woke?
Image d'illustration Unsplash

À Lyon, les militants intersectionnels ou antifas grand-remplacent les militants de la cause homosexuelle à l’ancienne


Étonnant ! Mardi 10 février, l’ex-président de l’association LGBTI « Le Forum Gay et Lesbien » basée à Lyon, Philippe Dubreil, explique au micro de Patrick Roger sur Sud Radio la raison pour laquelle il quitte la présidence de ladite association, dont il fut à la tête pendant quatre ans. Pourquoi venir annoncer cela sur Sud Radio, me direz-vous ? Ce n’est peut-être pas un évènement capital… Mais c’est que Philippe Dubreuil est tout simplement venu dénoncer le wokisme qui s’est emparé du mouvement LGBTI, lentement mais sûrement, jusqu’à créer le chaos et confisquer la parole aux militants historiques de la cause homosexuelle, ceux qui se battent surtout pour les droits des homosexuels depuis une trentaine d’années. Un petit évènement qui vient rappeler les conflits qui peuvent agiter le militantisme progressif.

J’ai contacté Monsieur Dubreil : l’association qu’il quitte avait initialement pour vocation l’écoute et l’aide aux personnes LGBTI en difficulté, et était constituée de bénévoles de tous horizons – dont une catholique pratiquante.

Pente savonneuse

Seulement, depuis environ cinq ans, celle-ci glisse dangereusement sur la pente savonneuse du wokisme et de l’intersectionnalité… Et cela ne plaît pas du tout à son ex président. Lorsqu’on lui a reproché d’avoir choisi de l’orange et du gris – couleurs qui ne seraient pas assez inclusives – pour repeindre les locaux de l’association, il a décidé de jeter et le pinceau et l’éponge.   

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Bonjour, tristesse!

Dans un post Facebook relayé par notre amie Peggy Sastre que j’avais remarqué, Philippe Dubreil énumère les raisons pour lesquelles il quitte son poste : « La troisième raison : l’emprise du mouvement « woke » sur la militance LGBTI depuis plusieurs années. Je ne me reconnais plus dans ces nouveaux combats que sont l’intersectionnalité, la convergence des luttes des minorités contre la société, la lutte contre l’islamophobie exclusivement, le néo féminisme (…) »

La liste des griefs est encore longue, et nous commençons, hélas, à la connaître par cœur.

Je me suis donc longuement entretenue au téléphone avec Philippe Dubreuil. Il s’est bien sûr avant tout désoler une nouvelle fois des phénomènes énumérés plus haut, les trouvant absurdes : « Je ne comprends pas ce que vient faire la lutte pour les droits des migrants au sein de nos luttes LGBTI ! C’est la fameuse convergence des luttes, mais elle est insensée. Par exemple, il nous a été reproché de ne pas avoir assez de “racisés” parmi nos bénévoles, heureusement, nous avons une malvoyante, mais ce n’est que si elle avait été noire que nous aurions fait carton plein » raille le militant sur le départ. Ce monsieur a par chance un certain sens de l’humour.

Les antifas, c’est pas des pédés

Il me fait part surtout d’un phénomène peut-être sous-estimé : la tendance antifa chez les LGBTI. Ce mélange détonant fait régner une véritable terreur au sein de la tendance « old school » de la communauté homosexuelle. Il les a fort justement surnommé les « Pink Blocks ». Mais attention : leurs méthodes sont en réalité à l’image de leurs homologues Black Blocks. Par exemple, ils ont bloqué la Marche des Fiertés à Lyon  plusieurs années de suite, la trouvant trop festive et surtout trop mixte, car y défilaient mélangés les “racisés”, les lesbiennes, les trans et des gens qui n’étaient même pas correctement catalogués selon leur couleur de peur, leur identité sexuelle ou que sais-je encore. Un épouvantable crime de « lèse-wokisme » ! À Lyon, cette fâcheuse tendance communautariste est représentée par l’association CFL (le Collectif Fiertés en Lutte), m’apprend Dubreuil.

Philippe Dubreuil, qui évidemment ne manque pas de se faire désormais traiter de fasciste ou d’islamophobe, est en couple depuis neuf ans avec un Maghrébin. Celui-ci vit dans la terreur d’être rejeté par sa famille, qui ignore tout de son orientation sexuelle. Mais les petits bourgeois woke en mal de sensations fortes peuvent dormir tranquilles : les vrais problèmes persistants – comme celui de cet homophobie très présente au sein de la communauté musulmane – ne sont pas près d’être évoqués avec ceux qui devraient reprendre le drapeau arc-en-ciel que Dubreuil vient poser à terre…




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est enseignante.

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