La première fois que nous avons lu des nouvelles de Jean-Jacques Schuhl, c’était dans Vanity Fair, avec des illustrations de Pierre Le-Tan, et dans Lui. On n’est pas prêt d’oublier ce numéro de Lui. Il y avait Schuhl au sommaire et, en couverture, Kate Moss shootée par Terry Richardson dans une pose inspirée d’Aslan, qui venait de mourir.
On n’a pas oublié notre lecture des textes de Schuhl. Leur charme était entêtant. On a pensé au regretté Frédéric Berthet. Nous avons relu plusieurs fois chaque nouvelle : « Un dernier amour d’Andy Warhol », « Une robe de chambre postmoderne » et, notre préférée, « La cravache ». On y croisait des filles anglaises au teint pâle, Fred Hugues, le fantôme de Valérie Solanas et une femme en dessous chics et à quatre pattes qui annonçait : « Je suis un cheval. »
Obsessions est ainsi venu s’ajouter à notre bibliothèque schuhlienne, à côté de Rose Poussière, Télex n°1, Ingrid Caven – prix Goncourt 2000 – et Entrée des fantômes.
Nous y avons retrouvé les nouvelles déjà lues, des textes parus dans Libération et des inédits. À chaque fois, de minuscules changements avaient été opérés entre ce que nous connaissions et ce qui avait été imprimé. La Schuhl’s touch est là : le souci du détail. Le détail, il le trouve dans les pages des journaux, dans des photos découpées, dans des poèmes oubliés. Le nom d’une rue, la couleur d’une veste ou la grande bouche rouge de Paloma Picasso, par exemple. Son affaire, c’est le temps perdu. Il le remonte à sa guise, ciselant la légèreté de chaque phrase. Quand Jean Eustache, Jacques Rigaut, Helmut Berger ou Jean-Luc Godard passent entre les lignes, il s’agit de ne pas peser. Schuhl, justement, se déplace dans ses histoires tel un danseur étoile. Son style chaloupé, d’une élégance folle, s’envole brusquement, offrant des moments de grâce, comme cette fusée, sur fond de « Fly me to the moon » : « La fille a un fond de teint blafard, des cheveux blonds de film noir. »
Schuhl n’est pas précieux, parce qu’il est rare -cinq livres en quarante ans. Il est précieux, parce qu’il écrit comme personne : petits luxes, humour et fulgurances. Obsessions sera la mélodie de notre été, à lire et siffloter à l’ombre d’une terrasse, au bar d’un hôtel ou en plein soleil.
Jean-Jacques Schuhl, Obsessions, Gallimard.
*Photo : SIMON ISABELLE/SIPA. 00411874_000002.
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