Dimanche 6 juillet 2014- 8 ramadan 1435
Retour à Hammamet. Dans le nouveau cahier noir, réservé à la fois aux ébauches de Tunisité et à ma traduction en cours de J’ai juré sur la victoire du soleil de Mokhtar Loghmani (1952-1977), j’ai entamé mon texte d’hommage à feu Pirotte. J’ai également traduit quelques perles recueillies de la bouche de Boj, à qui j’ai apporté une copie de ma diatribe contre Ramadan, et qui me dit à ce propos : « J’espère que tu seras compris. — Et si ce n’est pas le cas, lui ai-je demandé ? — Qu’ils aillent… ! » Ou encore : « Ça a commencé à lire ! — À lire quoi ? Qui ça ? — Entends, à la mosquée ça a commencé à lire le Coran en attendant l’appel à la prière. Écris pendant que ça lit ! »
Rien à dire, Boj est un trésor !
Moult réactions quant à mon premier texte publié dans Causeur. Pas assez de recul pour en parler ici. J’ai juste eu quelques échanges sur Facebook avec des amis. Seule M. R., que je respectais pour son engagement en faveur de la cause palestinienne, a pris sur mon mur la défense de Tariq Ramadan. Suite à un petit échange, elle a commencé par m’effacer de sa liste d’amis. N’étant pas couard, je lui ai adressé un message pour lui dire qu’elle a tort et que cela ne se fait pas. Sa réponse est des plus absurdes. J’en déduis que, franco-allemande d’un certain âge, son engouement pour la Palestine a un autre nom, un nom dissimulé… C’est tout bonnement d’antisémitisme qu’il s’agit. Je le lui ai donc exprimé et elle m’a bloqué définitivement. Bon débarras, me dis-je, parce que cette personne qui a écrit les mots « Je suis fière de toi mon fils » à la lecture du poème qui suit, est une menteuse dangereuse :
L’enfant lui est libre ou disons-le libéré
Nul n’en sait rien ni de ses parents ni des siens
L’on dit que la mort les a bien secourus
L’on dit que l’enfant a refusé de mourir
L’on dit qu’il n’a pas daigné porter son étoile
Jaune de Juif rouge de communiste vivant
Malgré les couleurs de l’opprobre de la haine
Car en ce monde peuplé de fous tous les sages
Sont poètes tous les poètes oui des Juifs
Car en ce monde tous les rebelles sont poètes
[à lire PWET et pas PO-ET-TE pour cause
de joli de viril de pur alexandrin]
— Juif ou Palestinien tels Celan et Darwich
Me revient à l’instant une phrase de L’Antéchrist où, une fois de plus, j’abonde dans le sens de Nietzsche qui écrit : « Un antisémite ne devient nullement plus respectable du fait qu’il ment au nom d’un principe. » (§55)
Lundi 7 juillet 2014-9 ramadan 1435
À Tunis. Deux beaux entretiens : l’un avec Rosa de l’Institut Français de Tunisie, l’autre avec le poète Moncef Mezghanni qui part la semaine prochaine à Lodève pour prendre part au Festival de poésie. À cette occasion paraît ma traduction d’un choix significatif de son œuvre poétique, sous le titre de Le merle de la ville captive, aux éditions Fédérop.
Cela fait longtemps que je devais voir Rosa et m’entretenir avec elle au sujet de mes différentes activités. Il vaut mieux tard que jamais, la rencontre ayant été très chaleureuse, positive, sans incompréhensions, sans zones d’ombre et surtout sans cette afféterie que Rosa semble détester autant que moi. Nous avons donc fait le tour de tous les sujets qui nous préoccupent tous les deux. Nous nous sommes quittés avec la promesse de faire un saut à Sousse, ville qu’elle n’a visité que deux fois, mais dont elle garde un bien vivant souvenir. Il y a de quoi, lui dis-je, Sousse étant différent de Tunis et des autres grandes villes du pays, car Sousse est propre, lumineux et travailleur. Elle le pense aussi. Ce n’est sûrement pas du « régionalisme » de ma part. (Allez-y, vous qui en doutez et vous me donnerez raison !)
C’est le festival des invitations pour la Professeure qui, après les festivités pour l’Indépendance Day, décline l’invitation à la réception du 14 juillet : « seule l’ambassade de france exige sur ses cartons d’invitation adressés aux “indigènes” comme moi une tenue correcte. C’est pour ça que je n’y vais jamais et je réponds par correction que je n’ai pas de tenue correcte. [sic] » Oui, la fatuité de cette dame est des plus insupportables. Ce qui est sûr, c’est qu’elle vise un poste. Spécialiste des médias, elle pense qu’elle peut y arriver via Facebook et les réseaux sociaux. Sans doute cet appât s’avérera-t-il efficace avec un certain nombre de personnes, mais de là à en faire une stratégie de campagne, franchement, j’en doute fort.
Reçu de sérieuses menaces de mort d’un Marocain vivant à Lyon, qui a une tête de brebis capable à tout instant de se transformer en hydre de Lerne ! Tout est dans les yeux troubles, agressifs, menaçants, vindicatifs. Je ne me suis pas tu. Je lui ai non seulement répondu violemment, mais encore j’ai tout divulgué sur Facebook. Il faut mettre à nu ces apprentis assassins, leurs paroles et leur violence étant des plus dangereuses. De ce fait, ce qu’Amina Sboui, la Femen tunisienne affirme vécu hier au cœur de Paris, Place de Clichy, est des plus alarmants : elle aurait été prise à parti par cinq salafistes et tondue… Oui, on lui aurait tondu les cheveux et les sourcils. Un message des plus significatifs car il n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé au lendemain de la dernière Grande guerre.
Mardi 8 juillet 2014-10 ramadan 1435
Bien dormi. Je m’attendais à me réveiller malade, la climatisation du café où je me suis entretenu hier avec Si Moncef m’ayant semblé déréglée. Hélas, la clim’ est l’un de mes pires ennemis… D’ailleurs, l’une des raisons pour lesquelles j’ai pris la décision d’arrêter de fumer est les deux bronchites dont j’ai été victime en mai et juin 2013. Là, je sens et sais que je vais mieux depuis que j’ai mis fin à cet atroce concubinage !
17h45. Convaincu de la victoire de l’Allemagne ce soir contre le Brésil. Je ne sais pas trop pourquoi, même si la Mannschaft me semble objectivement supérieure à son homologue brésilienne qui se voit privée des services de son buteur et star Neymar, ainsi que de son capitaine Thiago Silva. Mais le ballon est rond et vivement le spectacle à venir.
À la plage avec Alma. L’eau est parfaite, limpide, lacrymale, suis-je tenté de dire ! Mais l’air est frais à la sortie. D’où les « bedda ! bedda ! bedda ! » d’Alma… « Froid ! Froid ! Froid ! »
21h12. L’Allemagne vient d’ouvrir la marque. Le Brésil a bien commencé le match, mais la Mannschaft ne se laisse pas impressionner, encore moins intimider. Les Brésiliens vont galérer car les Allemands vont miser sur des contre-attaques chirurgicales qui leur permettront de doubler, voire de tripler la marque. À suivre…
21h22. Deuxième but allemand inscrit par Klose. Je l’avais bien dit. Passons… Pas de sixième étoile pour le Brésil.
21h24. Troisième but allemand avec en perspective une possible quatrième coupe du monde. Non, non, non et un quatrième par Kroos et un cinquième par Khedira à la 29e. C’est terrible, c’est un massacre…
Beaucoup de messages de soutien suite aux menaces reçues. Certains sont empreints d’une chaleur et d’un degré de conviction émouvants. Mais, sous un pseudonyme aussi hideux que ridicule, Polémon de Otio, l’écrivain et philosophe Frédéric Schiffter — dont je n’ai rien lu mais que je tenais en estime du fait de sa très grande camaraderie avec Clément Rosset, l’ami Jaccard, feu Michel Polac —, n’arrête pas de minimiser les mots employés par les assassins en herbe et jusqu’à leurs menaces. Mélangeant cynisme et nihilisme, Schiffter rejette tout d’un revers de main, rien ne trouvant grâce à ses yeux, lui qui, comme tout l’indique, cherche toujours à avoir le dernier mot. Avant que cela ne se gâté entre nous, et dès que Roland m’a dévoilé sa véritable identité, je lui ai adressé un message dimanche pour lui demander de m’adresser quelques-uns de ses livres en vue d’un entretien. Telle a été sa réponse : « Nos livres ne valent pas les vôtres. Vous êtes du côté de l’éveil et de la proposition, nous du côté du doute et de l’impasse. » Je sais que nous sommes inconciliables, mais je lui écris ce message qui restera lettre morte : « Certes, mais organisons, sous la tente de l’amitié, un échange entre nos mondes antagoniques ! »
22h35. L’Allemagne mène par 7 buts à zéro. Une humiliation inouïe ! La gueule de bois des Brésiliens au schnaps allemand aura des conséquences mondiales. Peut-être cela pétera-t-il au Brésil et une Révolution, une vraie, suivra-t-elle…
Après des parties de Des chiffres et des lettres sur Internet, je vais plonger dans une nouvelle acquisition qui a l’air passionnante, Deux régimes de fous Textes et entretiens 1975-1995, de Gilles Deleuze.
*Photo : Francois Xavier Marit/AP/SIPA. AP21594618_000066.
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