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Petites annonces libébètes et méchantes


Petites annonces libébètes et méchantes
Capture d'écran Youtube

Je t’ai croisé.e

– Hier, métro ligne 3, entre 14h02 et 14h06. Tu es monté.e station Louise Michel, tu avais Libébète à la main. Je t’ai remarqué.e immédiatement : fortement genré.e, en même temps indéfinissable, cheveux courts, pas de maquillage, mains épaisses, épaules larges, pantalon de cuir en agneau halal (ou casher ?), de marque Agnès Bééé. J’ai flashé sur ton regard très féminin, ta mâchoire très masculine, tes pieds très en dedans. Moi, style fortement burné de dos, indéfinissable de face : grand cou, petite tête, épaules égyptiennes époque des pyramides. Je t’ai regardé.e, tu m’as vu.e: sourires, complicité immédiate, sentiment d’appartenance LGBT (-) (+) = -. Tu es descendu.e, pas moi: c’est dommage! Timidité?  Pourtant, je le sais, tu le sais, tu es mon genre, je suis ton genre, je serai le gendre de ta mère/père. Si tu te reconnais, je t’en prie, écris vite au journal tant qu’il paraît !

Je t’ai repéré

– Samedi, vers 20h, tu es monté dans la rame à la station Bastille. Très jeune, un visage très chti, un peu bouffi, l’air satisfait. Tu ressemblais à Louis Brayard. Tu avais une pancarte à la main : 

– Macroléon comme Napo,
  L’a vraiment un très gros souci,
  Sa réforme, manque de pot,
  C’est sa retraite de Russie.

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Moi: forte poitrine, large du bassin, des joues vraiment pleines, une bouche édentée, des lèvres gourmandes, surtout la supérieure façon « canard à l’orange ». Je t’ai kiffé immédiatement. Pour te le faire comprendre, je t’ai mis une main au panier discrètement. Tu t’es retourné, tu as fait mine de me gifler. 
– Connard ! j’ai dit, tu te prends pour Quatremains ?
– Non, pour Louis Brayard !
Tous tes amis ont rigolé bruyamment. J’étais vexée, mais séduite, et je veux m’abandonner. Viens ce soir devant le lycée Bouffon, dans le XVe arrondissement, vers minuit. Tu mettras le feu à mon petit intérieur; après, on ira jouer au baby-foot.

Je t’ai vue

– Tu es montée dans le bus de la ligne 89 à Cambronne-Lecourbe, et descendue à Panthéon. Jupe serrée, longue, visage émacié, un air austère, rébarbatif même, lunettes cerclées de métal, maigre, pas de formes. Moi : taille moyenne, précocement chauve, bâti en forme de bouteille de Perrier, pieds plats, regard fuyant, l’air mauvais. Je suis révolté contre la société. Tu lisais un livre de Manuel Bonparti et Aurélie Trouvetout : Cours de mathématiques et d’économie mélenchoniennes ou comment revendre au Venezuela son propre pétrole, théorie et pratique, avec des exercices corrigés. Libébète dépassait de ton sac en plastique, tu tenais également dans ta main un ouvrage, dont le titre était, je me le rappelle: L’écologie politique ou les soviets moins l’électricité. Au début, je me disais que j’avais une chance avec une fille comme toi. Puis j’ai réfléchi, j’ai pensé à Ava Gardner, à Brigitte Bardot, à Marilyn Monroe…

Tu ne m’as pas vu, moi, je ne veux plus te voir. 

Je t’ai bien eu !

– Dimanche, vers 17h30, Station Porte Dauphine, ligne 2; quelques personnes sur le quai attendent le départ de la rame. Moi: tailleur sombre, chaussures rouges, talons aiguilles; l’élégance-même, mais épicée, physionomie froide, une pointe de dédain, rouge à lèvres « bourgeoise de chevet », l’air d’avoir gagné une grosse somme au poker. Toi: Libébète sous le bras, la tête d’un type qui vient de déchirer une fois de plus ses tickets perdants de PMU. Tu montes dans la voiture de tête, moi aussi, je m’assieds en face de toi. Je sais que tu me regardes. Je dégage mes jambes, très haut sur les cuisses. Je feins de lire L’Obs(tacle), mon magazine de mode préféré. De temps en temps, je t’adresse un sourire, je croise et décroise les jambes. Tu es rubicond. Station Villiers, je descends, je te chuchote « rendez-vous aux petites annonces de Libébète, mardi ».

Alors voilà : cesse de rêver, tu n’avais aucune chance.

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Je t’ai sentie

– Jeudi dernier, ligne 8, station Opéra, le métro était bourré, moi aussi. Tu avais Libébète à la main: couperosée, cheveux gras, petite avec une odeur forte, plus large que haute, mais très féminine. Moi: visage rouge, trois chicots noirs dans la bouche, grand, maigre, voûté, avec des mains d’étrangleur, fatigué mais viril. Si tu te reconnais, dépêche-toi, parce que moi, je ne te reconnaitrai pas! Je ne suis pas sûr d’avoir envie de toi à jeun, mais ivre, ça peut le faire! Ne laisse pas passer cette chance. Avant, je faisais la manche devant le journal, mais plus maintenant, ils n’ont plus un rond! Je t’attends, je t’espère, je te veux! Téléphone au directeur de Libébète, c’est un copain, on fait la manche ensemble.

Je t’ai ressentie

– C’était hier, t’en souviens-tu? Métro Sablons. Toi: grande, élancée, blonde aux yeux verts, sac Gucci, talons hauts, bas noirs, tu lisais Libébète. Moi: pas mal, surtout de dos, front bas très vaste (chauve), petits yeux gris rapprochés, grand, costaud, un peu inquiétant mais très poli. Je tenais un sac d’où dépassait un fémur. J’ai tout de suite compris que tu aimais le danger. Si tu te reconnais, viens me retrouver sous les arcades du pont Bir Hakeim, après minuit. Je t’attendrai toute la semaine. Tu vas aimer…

Note : Pour accompagner ces petites rencontres libébètes, une chanson dont la musique est de Dante Pilate Marchetti, les paroles de Maurice de Féraudy. 

Je t’ai rencontré simplement,
Et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire…




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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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