Dans la catégorie « fable inanimée », le nouveau film de Céline Sciamma est nommé produit de l’année.
Avec le temps, la P.M.E. Céline Sciamma se retrouve à la tête d’une large gamme de sous-produits intersectionnels, ses films. Mais le dernier d’entre eux interroge sur sa destination : quelle discrimination est combattue dans « Petite Maman » ? Pas la lesbophobie, pas l’enfance traumatisée, pas les jeunes racisées se délivrant de leurs chaînes. De quoi rester perplexe avant de s’atteler au problème…
Il ne faut jamais oublier que Sciamma a fait du marketing. Plus encore qu’une cinéaste, c’est une entrepreneure qui cherche le pouvoir. Sa sexualité épaule son ambition qui se traduit notamment par le soutien de causes à la mode, à la façon d’un Édouard Louis. Au fond, ses films vides et superficiels lui permettent d’exister, d’occuper le terrain.
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Le woke/wawa
Depuis l’inaugural « Naissance des pieuvres » – parfaitement atroce mais au moins d’un pathos assumé – on sent un délestage émotionnel vers plus d’accessibilité dans son cinéma. Cet embourgeoisement s’est fait par le vide et surtout par les études de marché. Entre son premier film et « Tomboy », Sciamma a réfléchi à son public : des progressistes wokes – que nous appellerons wawas pour franciser ce terme un peu trop laudatif en évoquant l’aboiement d’un roquet. Il faut donc, pour fidéliser ce public, supprimer toute négativité, tout conflit, tout ce qui fait cinéma, et Sciamma s’y essaie avec un franc succès depuis « Portrait de la jeune fille en feu », un film sur la passion sans passion et sans interdit où les femmes avortent en chansons comme on fait un bain de siège.
Venons-en à « Petite Maman ». C’est un film sur l’enfance, la famille et la mort, sans mort, sans famille et avec une parodie d’enfance. Compressé en 1h10, le vide de l’inspiration nous contemple. « Petite Maman » n’est qu’un sujet, plutôt malin d’ailleurs, mais laissé en jachère. Sciamma réagit comme si son public wawa allait s’offusquer d’un film qui fonctionnerait normalement. En développant un scénario, ne serait-ce pas discriminatoire sur les bords, face à tous ces films français qui se résument à leur pitch ? Une petite fille qui a perdu sa grand-mère assiste au déménagement de sa maison. Sa mère tombe malade et disparaît, l’enfant rencontre dans la forêt une petite fille qui lui ressemble, c’est sa maman retombée en enfance à son âge exact, les deux deviennent amies… « Tenet » n’a qu’à bien se tenir, qui se voit concurrencé en matière de voyage dans le temps et de rencontre mimétique par cette « Petite Maman » nanifiée.
Parodie d’enquête policière
« Petite Maman » est traversé par le vide, à l’instar des meubles débarrassés pour faire place nette chez la grand-mère. C’est une grossesse à l’envers, une maison curetée afin d’en extraire toute vie, faisant de l’avortement la figure matricielle, si j’ose dire, du cinéma de Sciamma. Aucune braderie sur les détails, il n’y en a presque pas, ils pourraient typer un peu trop ce qui s’imagine comme fable – les seuls qu’on distingue sont des marques : Van Houten pour le cacao et Explorer pour le canot pneumatique. On ne parlera pas d’épure, mais d’indéfini. C’est bien commode.
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On prend ainsi le père pour un déménageur. Les deux seuls moments où il agit sapent son autorité jamais exprimée de pater familias. Il déclare à sa fille qui voulait connaître un souvenir de son enfance : « J’avais peur de mon père ». Puis il rase sa barbe avec l’aide de sa fille et disparaît du film.
Sciamma n’est de fait intéressée que par la lignée maternelle, matérialisée par le collier de prénoms qui sautent une génération. Mère et fille évoluent vers un rapport fusionnel qui connaît son acmé dans un jeu de rôle où parodiant une enquête policière, elles peuvent se déclarer leur amour et la première présente à la seconde, déguisée en policier, son bambin, un poupon né de leur conjonction.
Transhumanisme de l’auto-engendrement
La discrimination éclate alors aux yeux comme la lettre volée : c’est la Nature, mauvaise mère, qui empêche les femmes de se reproduire entre elles, et même pire, les mères et les filles de concevoir ensemble ! « Petite Maman » aura tiré la gueule 1h10 pour exposer cette aberration.
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Enfoncée la PMA, on vogue vers les rivages de la parthénogenèse, fantasme féminin de l’auto-engendrement que certaines transhumanistes travaillent à faire devenir réalité. Sait-on d’ailleurs que le père de Sciamma, Dominique, œuvre depuis longtemps dans l’intelligence artificielle ? C’est autrement dit un bras armé du progressisme adepte de tous les changements. D’où nous vient l’impression de regarder parfois un film tourné dans une dictature, un peu comme certaines œuvres de la première vague iranienne d’il y a 20 ans – Makhmalbaf père et fille par exemple ? C’est que « Petite Maman » joue consciemment avec sa propre censure, à des fins de plus grande diffusion. Et ce qui est banni touche l’expression du sentiment ; la vie est un impondérable qu’il faut dès que possible éteindre. Seule Gabrielle Sanz, la jumelle qui joue la petite mère, apporte un peu de fraîcheur à l’ensemble bien plus inhabité que délicat.
Les wawas aboient, la caravane passe
Et elle est vite mise sous le boisseau ou hachée par le montage (la partie de crêpes). Avec « Petite Maman », Sciamma vise aussi, hélas pour eux, la jeune génération que les parents traîneront jusqu’aux salles, pour défendre le cinéma français. Et ils ne pourront ni se lever, ni se casser…
Comme ne dit pas le proverbe, les wawas aboient, la caravane passe.
« Petite Maman » de Céline Sciamma, en salle depuis le 2 juin.
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