Notre Premier ministre ne serait-il pas un tantinet laxiste? Suite aux événements graves de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), ses déclarations à brûle-pourpoint devant les micros ont ému l’opposition.
Rappel des faits: samedi soir, forces de police et pompiers ont subi les attaques de délinquants quatre heures durant dans les Yvelines, alors qu’un grand chapiteau de bois récemment rénové (on évoque 800 000 euros pour la municipalité de Chanteloup-les-Vignes) était détruit par un incendie volontaire. Le Figaro rapporte que plusieurs dizaines de jeunes avaient déjà affronté les forces de l’ordre à coups de tirs de mortier le soir d’Halloween sur la même commune…
Mais pour le premier ministre, il ne faut pas voir là quelque annexion d’une part du territoire national par la barbarie et les gangs de dealers. Il ne s’agit là que d’une “petite bande.” Pas de guerre de territoire, circulez y’a rien à voir. Tout au plus quelques polissons.
Résultat: lundi, dans nos gazettes et sur les réseaux sociaux, ce qu’il reste d’opposition dite “républicaine” était bien remontée !
Oubliez Medellín, visitez Chanteloup les Vignes !
Voyez chez LR, l’énervement de Julien Aubert et Eric Ciotti. “L’Etat a-t-il encore le monopole de la violence légitime? N’y aurait-il pas un duopole qui s’est réparti le territoire?” raille le premier, amer. “Derrière ce vocabulaire léger, il y a une sorte de banalisation” s’indigne le second. Mince, d’habitude ce genre d’attaques, ils les réservent au président Macron.
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Un peu plus à droite, Nicolas Dupont-Aignan est (vent) Debout la France ! Il nous prédit un péril apocalyptique: “Si on ne fait rien, on va vers une guerre civile.” Il estime que des mots ont “banalisé” ce qui s’avère plutôt être pour lui “digne d’une guérilla”. Ils y vont tous un peu fort. Mais ce n’est donc pas contre une des sorties dont notre président a le secret que s’agite ainsi la classe politique. Non, c’est contre Philippe. Sur Twitter, Bruno Retailleau des LR vend la mèche et résume ce qui a tant déplu dans la bouche du locataire de Matignon:
“Les incendiaires de Chanteloup-les-Vignes ne sont pas des “imbéciles” et des “irresponsables” comme le dit Edouard Philippe.” Retailleau préfère un tout autre vocabulaire: “Ce sont des criminels qui veulent affaiblir la République.”
Toujours sur Twitter, une grande experte en sécurité intérieure, Marine Le Pen, apporte son propre diagnostic, sans estimer nécessaire d’enfoncer à son tour Philippe: “Ce qui s’est produit à Chanteloup-les-Vignes, comme à Béziers ou à Mantes la Jolie, démontre la faillite d’un gouvernement qui n’a pas pris la mesure du danger des zones de non-droit et des narco-quartiers…” Revoyons in extenso les propos tenus devant les micros par Philippe. C’était lors d’une visite du village olympique avec Anne Hidalgo (quel sens des priorités!) Il y évoque bien “une petite bande d’imbéciles et d’irresponsables qui pense que tout casser est une façon de faire avancer les choses.”
Le Premier ministre Edouard Philippe a fustigé la « petite bande d’imbéciles et d’irresponsables » qui a pris pour cible samedi des policiers et un chapiteau de cirque lors d’une soirée de violences urbaines à Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines #AFP pic.twitter.com/wEMhsF0pK2
— Agence France-Presse (@afpfr) November 4, 2019
Psychologie de comptoir
Yves Thréard du Figaro, peu suspect d’être dans une opposition trop frontale avec la Macronie, parle mardi matin de “climat d’anarchie” dans les banlieues françaises. A Chanteloup-les-Vignes comme dans bien d’autres territoires, des jeunes gens de plus en plus nombreux réclament aux institutions de ne plus venir les importuner. Quand ils n’appellent pas carrément à “tuer du keuf.” Le peuple, quelles que soient ses origines, dénomme depuis longtemps de tels individus comme de la “racaille”.
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Une fois n’est pas coutume, risquons-nous à un exercice de psychologie. Philippe est dans le déni… Pourquoi minimiser la gravité des faits? Comment prendre congé du réel après de tels événements ? Cette euphémisation questionne.
Dans pareille circonstance, d’aucuns auraient immédiatement sorti leurs éléments de langage les mieux calibrés et les plus martiaux, bomberaient le torse, et colleraient une pression de dingue sur leurs subordonnés. Mais à quoi bon? Cette attitude dégagée de bon gestionnaire qui ne fait pas de vagues plaît tant au Président. Elle permet aussi de ne pas apparaître comme hautain aux yeux de nombreux citoyens. De plus, Castaner est déjà sur les dents, avec un 5 décembre social de tous les dangers. Et les nombreuses lacunes et erreurs des semaines passées lui confèrent déjà le statut de maillon faible. Inutile de charger davantage la mule, on est déjà assurés d’en obtenir “le meilleur”! L’opposition peut bien se gargariser sur un coupable, l’opinion atone sait que le pilote n’a pas la moindre idée de solution pour répondre aux difficultés du moment et stopper de telles exactions. Quand les institutions républicaines ont les instruments de mesure encore en capacité de mesurer l’ampleur de nos maux, elles constatent que tous les signaux sont au rouge: école, immigration, sécurité…
L’avez-vous remarquée? Encore plus discrète et flegmatique que le Premier ministre, on entend peu madame Belloubet. Espérons quand même que cette grande stoïcienne ait bien conscience des lacunes sévères du système judiciaire français en matière de réponse répressive des violences urbaines qui menacent à tout instant de s’étendre.
Mise à jour: le parquet de Versailles a annoncé la mise en examen de deux individus dans le cadre de l’enquête sur l’incendie.
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