Ça bouge décidément beaucoup en politique
Pour notre plus grand plaisir et peut- être, nous osons l’espérer, parce qu’elle nous a fait l’honneur de prendre en compte notre suggestion, Christiane Taubira a convoqué Jean Ferrat lors de son meeting de Créteil samedi dernier. Oubliant Aimé Césaire, c’est en effet “Ma France” qu’elle a entonnée, suivie par tous ses sympathisants pris aux tripes. C’est pourquoi nous nous permettons une nouvelle suggestion musicale, destinée cette fois-ci à l’ensemble des candidats et à leurs soutiens. Ralliés d’hier, de demain et d’aujourd’hui, hérauts de toutes les causes perdues ou à gagner, si vous voulez, vous aussi, pousser la chansonnette, envoyez Jacques Dutronc. On reprendra en chœur “l’Opportuniste”, tous avec vous et sans vous railler, promis !
Je suis de tous les partis
Je suis de toutes les party
Je suis de toutes les coteries
Je suis le roi des convertis (…)
Cette pratique de la palinodie en politique n’est pas nouvelle. Du grec palin « en arrière » et ôdê « chant », dans l’antiquité, le mot désignait une pièce de vers dans laquelle le poète déclarait rétracter ses sentiments antérieurs. Par extension, se livrer à une palinodie a voulu dire se contredire, lieu commun s’il en est, en politique. Et pourtant, on se fait immanquablement avoir comme des bleus ! Et cette fois encore, c’est « tournez manège » : on en a le tournis !
À droite, à gauche, au centre : c’est un vrai festival. Les scénaristes des “Feux de l’amour” n’auraient jamais imaginé pareils rebondissements. On rallie des camps ; les idées et les projets, démonétisés, sont sans importance : ils passent de main en main.
C’est Guillaume Peltier qui a ouvert le bal, quittant les Républicains pour rejoindre “Reconquête” et, tout s’est enchaîné.
Stéphane Ravier a lâché Marine Le Pen pour Éric Zemmour à cause de Franck Allisio (un de ses confrères du Rassemblement national) qu’il a qualifié « d’élément perturbateur et saccageur ».
Éric Woerth, depuis, assume pleinement sa rupture avec Valérie Pécresse pour soutenir la cause d’Emmanuel Macron. Après avoir en son temps qualifié le président « d’incantatoire », Éric Woerth assure avoir « évolué » avant d’ajouter que « la présidence d’Emmanuel Macron l’a fait aussi ».
Il se murmure également que notre président fait de l’œil au maire socialiste de Dijon, François Rebsamen.
Ségolène Royal, jamais en reste quand il s’agit de piétiner une rivale, se tâte pour abandonner Anne Hidalgo au profit de Valérie Pécresse.
À gauche, on note le précieux ralliement à la France insoumise d’Aymeric Caron, le fondateur du parti Révolution écologique pour le vivant. Avant de tourner casaque, notre valeureux défenseur des drosophiles et des moustiques a en effet affirmé dans un entretien au Journal du Dimanche : « Le camp de la gauche et des écologistes est un champ de ruines. »
Quant aux « catholiques traditionalistes, aux païens et aux nazis », ils ont d’après Marine Le Pen, déserté le Rassemblement national pour aller grossir les troupes d’Éric Zemmour ! Cerise sur le gâteau, dans la série : « tous les coups sont permis », on vient d’annoncer que Nicolas Bay, porte-parole de la campagne du Rassemblement national et député européen, était accusé par son parti d’avoir profité traîtreusement depuis des mois de sa position privilégiée pour transmettre à l’adversaire Eric Zemmour des éléments stratégiques et confidentiels ! Il vient d’être suspendu de son parte-parolat de campagne et de toutes ses autres responsabilités. Le bureau exécutif du Rassemblement national évoque « un véritable sabotage ». Ce n’est plus un bazar, c’est un bordel, mes amis !
Mais cessons de jouer les naïfs pour revenir à la nature humaine et à nos bons vieux écrivains, qui, depuis toujours, pointent les travers humains :
La Bruyère avait déjà tout dit en son temps dans ses Caractères (livre VIII. De la Cour)
L’on remarque dans les cours des hommes avides, qui se revêtent de toutes les conditions pour en avoir les avantages ; gouvernement, charge, bénéfice, tout leur convient ; ils sont si bien ajustés, que par leur état ils deviennent capables de toutes les grâces ; ils sont amphibies ; ils vivent de l’Église et de l’épée, et auront le secret d’y joindre la robe : si vous demandez que font ces gens à la Cour ; ils reçoivent, et envient tous ceux à qui l’on donne.
Autrement dit, il s’agit de bouffer à tous les râteliers et une fois de plus, il convient avec Musset, cette fois-ci, de déclamer : Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivraie, pardon, l’ivresse. Allez, tous en chœur, on est avec vous et avec “l’Opportuniste” :
Je crie vive la révolution
Je crie vive les institutions
Je crie vive les manifestations
Je crie vive la collaboration
Non jamais je ne conteste
Ni revendique ni ne proteste
Je ne sais faire qu’un seul geste
Celui de retourner ma veste
Toujours du bon côté
Je l’ai tellement retournée
Qu’elle craque de tous côtés
À la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon
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