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Ô mon païs basque!

"Petit éloge amoureux du Pays basque" de Léon Mazzella (Privat, 2023)


L’écrivain et journaliste Léon Mazzella chante son amour pour son pays d’adoption aux éditions Privat dans une collection dirigée par Christian Authier.


Il est arrivé dans ce pays, ce monde à part devrait-on plutôt écrire, cette terre d’exil, à l’âge de trois ans et demi. Lui, l’Oranais de Bayonne au sang mêlé, la Méditerranée en héritage, moitié-italien, moitié-espagnol, la Grèce en filigrane. Lui, le colosse à la barbe broussailleuse, l’érudit en chemise de lin, gracquien d’esprit et de plume, expert en futs et en futaie, toujours en échappées buissonnières, avide d’horizons et de lumière. Comme s’il n’avait jamais oublié le soleil de l’Algérie et la mélancolie des départs précipités.

L’écrivain Léon Mazzella © Photographe : Hannah Assouline

Mazzella est un déraciné qui a trouvé sur les bords de l’Adour, son port d’attache, une famille de pensée et un îlot de résistance dans une société en déshérence. « Au fil du temps court, puis long, j’ai planté mes racines adoptives dans la terre basque, avec prudence d’abord, eu égard à la circonspection de l’Autre, puis en lâchant tout, amarres et précautions d’usage » écrit-il, pour expliquer son processus d’acclimatation. Il aime tout chez les Basques, leur sens de la fête, leur pudeur qui pourrait passer pour de la brusquerie, l’Océan Atlantique qui vient balayer le vague-à-l’âme certains soirs de déprime, l’ovalie et les longues planches de surf, le respect des anciens quand ces valeurs faisaient encore partie de notre vocabulaire commun et puis cette forme d’indépendance orgueilleuse et charnelle que l’on rencontre aussi chez les peuples insulaires. « La force du Pays basque s’exprime partout. Dans la couleur « sang de bœuf » des volets au chant des hommes accoudés à un zinc – car les Basques chantent dès qu’ils sont trois quelque part au bout d’une demi-heure – » ajoute-t-il, avant de se lancer dans un inventaire endiablé et fiévreux de cette province d’élection. Son Petit éloge amoureux du Pays basque court d’Ascain au rocher de la Vierge, de Cambo à Bab2, de Borotra à Blanco, de Rostand à Beigbeder, de l’âme gasconne à Jean Le Gall.

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Ce guide à la fois sentimental et solidement charpenté (on en apprend beaucoup sur les hommes actuels, les lieux et l’Histoire) n’a pourtant pas vocation à divertir le touriste, amateur de jolis décors et de soirées blanches à la recherche de spots instagramables; l’écrivain tente de s’approcher d’une autre vérité basque, évidemment pleine de contradictions. Pourquoi ce pays exerce-t-il une emprise mentale sur tous les visiteurs qui ont foulé, un jour, ce coin de France ? Ici, tout en bas, à gauche de l’hexagone, arrimé aux Pyrénées, telle une assise éternelle, comme pour nous rappeler d’où l’on vient. Ne pas oublier. Jamais. Ce n’est pas un hasard si Mazzella, le lettré, héritier de Tillinac, débute son voyage par un passage dans une bibliothèque. Chez ce fort gaillard, les mots, ceux de Paul-Jean Toulet ou du moins connu Jacques d’Arribehaude, sont un préambule à toute conversation, une courtoisie d’honnête homme. Avant la rencontre, avant les cidreries, avant la pelote, avant d’observer un vol de palombes, avant les légendes païennes, il y a le livre, prémices à la fraternité et aux secrets. Ce précis nous emmène dans des caves obscures, dans des villages anonymes, dans les arcanes de la langue, dans le « désordre » des soirées sans fin. Et puis, en explorateur avisé de son territoire, Mazzella avoue, par exemple, avoir négligé dans sa jeunesse Biarritz « certes belle mais frimeuse, voire ennuyeuse les soirs d’hiver », et s’émouvoir aujourd’hui « d’endroits nichés dans cette ville étonnante où la campagne côtoie des quartiers résidentiels denses ». J’en garde moi aussi le souvenir ému, il y a bien longtemps, un matin brouillasseux au pied de l’Hôtel du Palais, au milieu d’un parterre de voitures de luxe. C’est là que j’ai abandonné une « carrière » stable pour me lancer dans l’aventure de l’écriture. A Biarritz, dans cette atmosphère bourgeoise et pluvieuse, j’ai choisi la précarité des professions dites intellectuelles aux sirènes des quartiers d’affaires. Alors cet été, emportez le Petit éloge de Mazzella dans votre sac à dos, il vous obligera à prendre les chemins de traverse. Les seuls qui mènent à l’émerveillement.

Petit éloge amoureux du Pays basque de Léon Mazzella – Privat

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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