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Perpignan, la Catalane assoupie


Perpignan, la Catalane assoupie
Marché du Haut-Vernet, Perpignan, septembre 2017. Photo: Emma Rebato

Ghettoïsation, clientélisme et sinistrose économique: depuis des décennies, Perpignan décline malgré les efforts de quelques élus dynamiques. Tandis qu’à Barcelone la prospère, nombre de Catalans rêvent d’indépendance, sa voisine française se cherche encore. Reportage.


Terminus Perpignan, tout le monde descend au « centre du monde ». Pardon, au « centre del món », comme il est écrit sur les panneaux de la gare. Inspirée d’une saillie fantasmagorique de Dali sur la dérive des continents, l’inscription en catalan n’annonce pas franchement la couleur. Car Perpignan trône au cœur d’un des départements les plus pauvres de l’Hexagone et accumule les records négatifs. Non content de la placer dans le flop 5 des métropoles économiquement les moins dynamiques de France et de Navarre, Le Figaro a récemment classé la capitale catalane au sommet des villes où il fait bon investir dans l’immobilier : les prix y sont si bas qu’un an suffit à rentabiliser l’achat d’un appartement. En sortant de la gare, je croise une théorie de mendiants à quelques mètres des inévitables kebabs. Nul punkachien à l’horizon, bien que nombre d’entre eux débarquent ici, persuadés que la misère sera moins pénible au soleil. Palmiers, plaques de rue bilingues français-catalan et immeubles à teintes pastel donnent des accents ibériques à ce dernier bout de France avant la frontière. Vu de Paris, Gitans, Maghrébins et petits Blancs donnent l’impression de se tirer la bourre.

Le quartier le plus pauvre de France

Si le quotidien ne se résume évidemment pas aux deux faits divers qui ont rendu Perpignan (tristement) célèbre ces dernières années, leur évocation plante le décor. Au printemps 2005, après l’assassinat d’un jeune beur, des émeutes urbaines ont opposé bandes gitanes et maghrébines au cœur de Perpignan, entre les deux ghettos ethniques de Saint-Jacques et Saint-Mathieu. Moins tragique, mais tout aussi dévastateur pour l’image de la ville, en 2008, l’épisode de la « fraude à la chaussette »[tooltips content=’En mars 2008, le président d’un bureau de vote avait été convaincu de tentative de fraude après la découverte de bulletins de vote dans sa chaussette.’]1[/tooltips] a teinté de soupçon la réélection du maire UMP Jean-Paul Alduy, qui a passé le relais à son dauphin Jean-Marc Pujol l’année suivante. Perpignan, ville pauvre, communautariste, au système clientéliste pluridécennal n’a pas bénéficié du décollage de la Catalogne du Sud lancée dans une marche cahoteuse vers l’indépendance. Incapable de se dessiner un destin, la ville de 120 000 habitants paraît quasi promise au Front national en la personne de Louis Aliot, vice-président du parti, élu député en juin. Du moins, d’après le politologue Nicolas Lebourg, si le « vote de trouille » anti-FN des immigrés se résorbe. Sans le retrait du candidat de gauche arrivé troisième, Aliot aurait eu toutes les chances de gagner la triangulaire, à la manière d’un Robert Ménard à Béziers. Mais peu importe le thermomètre, il s’agit d’ausculter le mal au plus profond de la cité catalane.

Une rue du quartier Saint-Jacques de Perpignan, classé le plus pauvre de France par l'Insee. Photo: Emma Rebato
Une rue du quartier Saint-Jacques de Perpignan, classé le plus pauvre de France par l’Insee. Photo: Emma Rebato

Sur le chemin de mon premier rendez-vous avec un élu, je relis mes antisèches. Si j’en crois Nicolas Lebourg et Jérôme Fourquet[tooltips content=’Perpignan, une ville avant le Front national ?, Jérôme Fourquet, Nicolas Lebourg, Sylvain Manternach, Fondation Jean Jaurès, 2014.’]2[/tooltips], les affiliations claniques aux grandes familles perpignanaises compteraient bien davantage que le clivage droite/gauche, d’ailleurs fort relatif. Incarnation de ce « mercato politique permanent » : Olivier Amiel, adjoint à la politique de la ville. Ce grand gaillard à la calvitie broussailleuse m’attend dans son cabinet d’avocat. Hier encore chevènementiste, Amiel est revenu à ses premières amours gaullistes en ralliant le maire LR Jean-Marc Pujol, alors qu’il s’opposait à son prédécesseur du même bord Jean-Paul Alduy, lui-même fils de l’emblématique Paul Alduy. Ce dernier, SFIO passé au centre droit, administra la ville de 1959 à 1993. « Ici tout commence par son nom de famille », avancent Lebourg et Fourquet. Neveu d’une ex-adjointe de Paul Alduy, Amiel s’amuse de l’adage. Mais la plaisanterie est de courte durée car une lourde tâche repose sur


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Novembre 2017 - #51

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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