À l’occasion de notre numéro 100, Eugénie Bastié se souvient de son stage à Causeur
En farfouillant dans mes courriels, j’ai fini par retrouver ma demande stage adressée à Gil Mihaely le 5 avril 2013 alors que j’étais encore une jeune étudiante de Sciences Po de 21 ans :« Cher monsieur Mihaely, J’ai lu avec attention le nouveau numéro de Causeur, bravo , c’est vraiment très réussi. J’ai particulièrement apprécié l’éditorial d’Élisabeth Lévy qui parlait de “journalisme d’idées”. C’est cette démarche en effet qui m’intéresse dans votre magazine qui est un des rares médias qui donne une place unique au débat d’idées, avec humour et profondeur. (…) J’ignore si vous avez besoin de têtes jeunes et dévouées, mais sachez que je serai très enthousiaste de pouvoir découvrir les arcanes du “journalisme d’idées” aux côtés de l’équipe de Causeur. »
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En relisant ce message j’ai eu trois réactions. L’effroi, d’abord, de songer que presque une décennie déjà m’éloignait de ces premiers pas en journalisme, que j’avais déjà grillé ma vingtaine et que le temps était donc proche où je serai la Michèle Cotta du xxie siècle. La satisfaction, ensuite, de comprendre que la voie où je m’étais engagée à ce printemps 2013, celle du journalisme d’idées, était la bonne puisqu’elle est celle qui m’épanouit encore aujourd’hui. La reconnaissance, enfin, pour Gil et Élisabeth, qui ont su faire confiance à la jeune Rubemprette en minishort et mocassins pleine d’ambitions et de certitudes que j’étais.
À l’époque (et je me rends compte en grinçant que j’atteins l’âge où l’on peut utiliser cette locution de boomer), il faut se rendre compte quel bol d’air apportait Causeur à des gens de ma génération qui avions connu le politiquement correct à la mamelle. Fraîchement débarquée de ma province où l’on était de droite par habitude familiale à Sciences Po où la moitié de ma classe votait Mélenchon et Poutou (ils étaient déjà là), je rasais les murs en m’admettant après trois verres de rhum-coca « gaulliste sociale », ce qui pouvait à la limite être toléré en état d’ébriété.
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Il était presque impossible, après le quinquennat qui avait failli nous replonger dans la France de Vichy, d’admettre un vote Sarkozy. C’est à ce moment que j’ai découvert Causeur (je ne sais plus exactement comment, par Facebook peut-être), et les noms d’Élisabeth Lévy, Alain Finkielkraut et Philippe Muray. Je me souviens avoir acheté l’intégralité de son œuvre après lecture d’un numéro qui lui était dédié. Cette floraison d’intelligence, de largesse d’esprit, d’humour et de distance, au milieu de la morosité moraliste qui m’entourait, a été comme une révélation. Dix ans ont passé, et aujourd’hui le paysage médiatique n’est plus le même. Causeur n’est plus seul à ferrailler contre les bien-pensants. Il fut le premier, et continue à se battre avec un panache, une audace particulière et subtile contre les vertus fausses et les puritanismes tondus de tout bord. Quant à moi, j’emporte comme un viatique dans ma carrière la leçon apprise rue du Faubourg-Poissonnière, celle de toujours penser contre son temps, mais encore plus contre soi-même.
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