L’Amérique veille sur tous les fronts. Une guerre en Europe avec la Russie ne l’empêche pas de montrer sa détermination à défendre la démocratie contre le totalitarisme en Asie. L’Amérique a passé outre les menaces du Président Xi Jingping et Mme Nancy Pelosi est allée manifester son soutien aux Taïwanais.
Le monde entier a suivi cette visite avec attention et, pour les pays de la zone, une réelle inquiétude. Pékin allait-il imposer un blocus de l’île, tenter d’intercepter l’avion de la Présidente de la Chambre des Représentants, lancer une offensive électronique ou militaire contre la province rebelle ? Tout le monde a soufflé quand Nancy Pelosi a repris son avion pour Séoul puis Tokyo sans heurts.
En France, la pertinence de l’initiative américaine n’a guère fait débat. Les États-Unis défendent les démocraties, Taïwan est une vraie démocratie en Asie, donc les États-Unis défendent Taïwan. Le syllogisme est parfait. Il n’y a rien à redire, d’autant plus qu’en face, le régime de Xi Jingping présente un visage chaque jour plus inquiétant, impérialiste et implacable. Après avoir avalé Hong Kong, IL a annoncé à plusieurs reprises ces dernières années que son prochain plat de résistance serait Taïwan.
Pourtant, le journal Le Monde nous apprend que Mme Pelosi a été fraîchement accueillie en Corée et au Japon. À Séoul, elle n’a vu que son homologue et n’a même pas rencontré le Président coréen, à qui elle n’a fait que parler au téléphone. Que le président d’un pays aussi dépendant de l’armée américaine pour sa propre sécurité se permette de refuser un entretien avec l’un des trois plus hauts représentants des États-Unis est un affront qui traduit la forte désapprobation du président coréen de l’escale de Taipei.
Un équilibre fragile
Pourquoi ce mécontentement des alliés coréens et japonais ? Jean-Luc Mélenchon qui conserve le sens de l’histoire a bien résumé la situation. Taïwan est une partie intégrante de la Chine. Le monde entier reconnaît cette réalité historique et politique. Et, in fine, ce sont les Chinois eux-mêmes, des deux côtés du détroit, qui régleront ce problème entre eux. Naturellement, les écolos français ignorant l’histoire et la géographie – normal pour des déconstructeurs – ont crié à la « Xi JIngpingniphilie » de l’Insoumis en chef et se sont drapés dans la vertu pour pas cher.
Pourtant, la France depuis 1964, les États-Unis depuis décembre 1978 et tout l’Occident depuis reconnaissent que Taïwan fait partie de la Chine. Dans le même temps, personne ne souhaite que la République populaire de Chine (RPC) prenne le contrôle de Taïwan par la force. Faire cohabiter deux réalités aussi contradictoires demande beaucoup de diplomatie et de bonne volonté. C’est ce que tout le monde s’efforce de faire depuis cinquante ans. Pour cela, il faut que chacun « respecte les formes » et que les relations avec Taïwan demeurent à un niveau raisonnable, évalué quotidiennement sur chaque sujet. Le tort d’une visite de l’importance de celle de Mme Nancy Pelosi est de rompre cet équilibre, de briser les formes et de faire perdre la face au pouvoir chinois.
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« Quand la Chine bouge, c’est toute l’Asie qui tremble ».
Ce propos, entendu de la bouche d’un ministre laotien il y a trente ans, est plus que jamais d’actualité. Les Chinois ont la mémoire longue et une telle humiliation ne pourra pas rester sans réponse. Des citoyens ordinaires, gavés de propagande du PCC, se filment sur les réseaux sociaux en train de crier leur colère et se frappent de rage à la suite de cet affront. Ces braves gens, taxés d’ultra-nationalistes en Occident, ne font que traduire à leur manière le sentiment d’humiliation ressentie non seulement par Xi Jingping, mais par une bonne partie de la population chinoise.
Les sanctions contre des produits taïwanais et les manœuvres agressives menées près des côtes de l’île ne suffiront probablement pas à laver l’affront. C’est bien cela qui inquiète la Corée et le Japon. Mme Nancy Pelosi a passé 72 heures dans la région, a joué avec le feu puis est repartie à Washington préparer les élections de mi-mandat, très loin des préoccupations du détroit de Taïwan. Coréens, Japonais, mais également Philippins, Vietnamiens et tous les autres voisins de la Chine, sont eux coincés sur place et devront vivre durant de nombreux mois dans un niveau de tension accru avec la Chine du fait de cette visite. Un vrai cadeau.
Pourquoi maintenant ?
Une série de questions demeure. Pourquoi prendre le risque d’enflammer la situation dans le détroit de Taïwan maintenant, alors que l’Occident a déjà une guerre régionale sur les bras et une grave crise économique à traiter ? Pourquoi exciter les Chinois, déjà suffisamment agressifs comme cela, à quatre mois du prochain congrès du PCC ? Pour quelle raison et pour quel objectif ? Difficile d’apporter une réponse claire et unique. Il est possible que toutes ces questions n’aient pas été réfléchies en profondeur et que la seule volonté de « répondre » à l’attitude agressive de Pékin ait enclenché la mécanique. Raison insuffisante peut-être, mais légitime.
Car soyons justes. Si le pouvoir nationaliste à Pékin n’avait pas tenu des propos menaçants et multiplié les provocations militaires dans les eaux et l’espace aérien de Taïwan ces dernières années, les faucons du Département d’État n’aurait peut-être pas envisagé une telle visite. Et c’est bien ce qui est inquiétant ici. Car à ce jeu de la provocation qui en appelle une autre, on monte souvent aux extrêmes. Or actuellement, à Washington comme à Pékin, ce ne sont pas des tendres qui pilotent la politique étrangère.
La visite de Mme Nancy Pelosi a fait monter la température en Extrême-Orient, ce dont se seraient bien passés les pays de la région qui n’ont pas été consultés sur cette visite et de qui Washington exige par ailleurs qu’ils sanctionnent la Russie, ce dont ils se passeraient bien pour la plupart. Dans les prochains mois, le gouvernement et l’armée chinoise voudront certainement montrer qu’ils ne sont pas des tigres de papier. Chacun va donc rester sur ses gardes dans tout l’Extrême-Orient. Le retour du calme et de la sérénité ne sont pas pour demain. Tant pis pour les peuples de la région.
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